Les manifestations contre les quotas d'embauche dans l'administration, qui ont fait 409 morts depuis début juillet, ont conduit à Sheikh Hasina, 76 ans, à quitter le pays à bord d'un hélicoptère. Le chef de l'armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, qui doit rencontrer mardi les dirigeants du mouvement étudiant, a annoncé la veille la formation prochaine d'un gouvernement intérimaire, promettant de réparer "toutes les injustices" et la levée du couvre-feu dès mardi matin.
"Nous faisons confiance au Dr Yunus", a écrit sur Facebook Asif Mahmud, un des principaux dirigeants du collectif Students Against Discrimination (Etudiants contre la discrimination). M. Yunus n'a pas commenté mais, dans un entretien accordé au journal indien The Print, il a affirmé que le Bangladesh avait été "un pays occupé" sous le régime de Mme Hasina. "Aujourd'hui, tous les habitants du Bangladesh se sentent libérés", s'est-il félicité.
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Agé de 84 ans. il est connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance pionnière en la matière mais il s'est attiré l'inimitié persistante de Mme Hasina, qui l'a accusé de "sucer le sang" des pauvres.
Un gouvernement intérimaire
Actuellement en Europe, un de ses proches collaborateurs a déclaré lundi qu'il n'avait reçu aucune proposition de l'armée pour diriger le gouvernement intérimaire.
Le président et le chef de l'armée ont également rencontré le président Mohammed Shahabuddin lundi en fin de journée, ainsi que les principaux dirigeants de l'opposition. Le service de presse du président a déclaré qu'il avait été "décidé de former immédiatement un gouvernement intérimaire".
Après l'allocution de M. Waker, des millions de Bangladais ont envahi les rues de Dacca. "Je suis tellement heureux que notre pays ait été libéré", s'est réjoui Sazid Ahnaf, 21 ans, comparant les événements à la guerre d'indépendance du Bangladesh qui a conduit à sa séparation du Pakistan en 1971.
Des scènes de chaos dans la capitale
La capitale a connu lundi des scènes de chaos qui ont fait au moins 109 morts, un bilan de l'AFP établi à partir de données de la police, de sources officielles et hospitalières. Revenue au pouvoir en 2009, Mme Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l'issue d'une élection sans véritable opposition.
Les manifestants ont envahi lundi le parlement, incendié des chaînes de télévision pro-gouvernementales et brisé des statues du père de la Première ministre Sheikh Mujibur Rahman, héros de l'indépendance du pays. De telles scènes étaient inenvisageables quelques heures auparavant, lorsque Mme Hasina avait le soutien des forces de l'ordre sous son emprise autocratique. "Le temps est venu de les tenir pour responsables des actes de torture", a déclaré Kaza Ahmed, un manifestant, estimant que Mme "Hasina est responsable des meurtres".
Les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Mme Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays, ont indiqué des témoins à l'AFP.
En cause, la réintroduction d'un système de discrimination positive
Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d'un régime réservant près d'un tiers des emplois dans l'administration aux descendants d'anciens combattants de la guerre d'indépendance. Le mouvement s'est intensifié au fil des jours, conduisant à des appels à la démission de Mme Hasina.
Son gouvernement a été accusé par les groupes de défense des droits humains de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence.
La Première ministre aurait atterri dans une base militaire près de New Delhi
Le président du Bangladesh, Mohammed Shahabuddin, a ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations et de l'ex-Première ministre et cheffe de l'opposition Khaleda Zia, 78 ans. Grande rivale de Mme Hasina, la cheffe du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) est hospitalisée depuis qu'elle a été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.
Dès mardi à Dacca, les mères de certains des centaines de prisonniers politiques secrètement emprisonnés sous le régime de Mme Hasina attendaient devant les services du renseignement militaire, espérant des nouvelles. "Nous avons besoin de réponses", a déclaré Sanjida Islam Tulee, coordinatrice de "Mayer Daak", c'est-à-dire "l'appel des mères", qui milite pour la libération des personnes détenues par les forces de sécurité de Mme Hasina.
Mme Hasina a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu'elle ne faisait que "transiter" par le pays avant de se rendre à Londres. Mais l'appel du gouvernement britannique à une enquête de l'ONU sur des "niveaux de violence sans précédents" a mis en doute cette destination.