Viendra ? Viendra pas ? L'Académie suédoise a beau tambouriner à la porte de Bob Dylan, le troubadour fait la sourde oreille depuis l'annonce de son Nobel de littérature. Pourtant il lui reste peu de temps pour empocher l'argent du prix.
Trois concerts en Suède en avril. Âgé de 75 ans, le chanteur américain doit donner deux concerts à Stockholm les 1er et 2 avril et un à Lund (Sud de la Suède) le 9. L'occasion rêvée pour les académiciens de le recevoir dans leurs augustes murs et de lui remettre, outre une médaille et un diplôme, le chèque de huit millions de couronnes (839.000 euros) accompagnant chaque prix.
La "leçon Nobel", une tradition. La tradition exige que le lauréat offre à ses bienfaiteurs un discours de réception, aussi appelé "la leçon Nobel", laquelle peut prendre n'importe quelle forme, notamment une vidéo ou une chanson. Et cette leçon doit se tenir dans les six mois qui suivent la cérémonie de remise des prix du 10 décembre, qu'avait boudée Dylan, prétextant d'autres engagements. Un académicien, Per Wästberg, l'avait qualifié de personnage "impoli et arrogant". Le chanteur avait finalement envoyé un discours de remerciements où il confiait son étonnement de voir son nom aux côtés de ceux d'auteurs comme Rudyard Kipling, Albert Camus ou Ernest Hemingway.
Dernier délai le 10 juin. Fan absolue qui n'a fait nul mystère d'avoir pesé de façon décisive dans son couronnement controversé, la secrétaire perpétuelle de l'Académie suédoise, Sara Danius, semble désormais agacée. "Nous n'avons eu aucune conversation téléphonique avec Bob Dylan au cours des derniers mois. Dylan a toutefois conscience qu'une leçon Nobel doit être faite le 10 juin au plus tard pour obtenir le paiement", a-t-elle sèchement écrit sur son blog lundi. "Ce qu'il décide, c'est son problème", a-t-elle ajouté.
Le prix lui est acquis. S'il manque aux usages, le lauréat d'un Nobel risque de perdre le généreux pécule, même si son nom reste éternellement gravé dans le marbre des Nobel. "En ce qui concerne l'Académie suédoise, c'est absolument certain que le lauréat du prix Nobel de littérature est Bob Dylan et personne d'autre", a rappelé Sara Danius.
Aucune marque de mépris. Maria Schottenius, critique littéraire de l'influent quotidien Dagens Nyheter, estime que l'académie n'a qu'à s'en prendre qu'à elle-même. L'attribution du Nobel à un chanteur, aux dépens de grands écrivains ou poètes, "a été un mauvais calcul", a-t-elle déclaré à l'AFP. Pour autant, l'apparente indifférence de Bob Dylan n'est en aucune manière une marque de mépris. L'homme du Minnesota n'est simplement pas friand de diadèmes et de grandes orgues, selon elle.
Aux amoureux déçus, Dylan avait lui-même écrit ces quelques mots d'avertissement en 1966 : "Celui qui écoute mes chansons ne me doit rien".