Carles Puigdemont, président séparatiste de la Catalogne, a signé mardi soir une Déclaration d'indépendance avant de la suspendre, en appelant au dialogue avec l'Etat espagnol. Une situation inédite que le politologue spécialiste de l'Espagne, Mathieu Petithomme, invité d'Europe 1 Bonjour avec Raphaëlle Duchemin, est venu éclairer pour Europe 1.
La balle dans le camps de Madrid. Plus qu'incompréhensible, la situation prend des airs "d'aveu d'impuissance", pour le spécialiste. "Le bloc indépendantiste est très clairement divisé. Il y avait des pressions internes très fortes" d'entreprises, de banques, parties à Madrid. Comment alors expliquer cette situation de "normand", faisant mine d'y aller sans y aller vraiment ? "Si on avait déclaré l'indépendance unilatéralement, il y aurait eu une réaction très forte, très certainement l'activation de l'article 155, c'est-à-dire la remise en cause de l'autonomie catalane, donc des risques très forts. L'idée c'est de mettre la balle dans le camps de Madrid, c'est dire 'J'assume le mandat du peuple suite au vote référendaire de mener la Catalogne vers un Etat indépendant. J'ouvre un processus constituant, mais je suspends par ailleurs cette déclaration à une négociation' parce qu'il dit par ailleurs que sans dialogue, rien n'est possible." In fine, selon Mathieu Petithomme, "l'objectif est de faire fléchir Madrid pour avoir un référendum acté, légal."
Négocier sous peine d'être taxé de radicalité. Dans la capitale espagnole, cette étrange main tendue pourrait bien ne pas être saisie. Un conseil des ministres extraordinaire est prévu mercredi matin. Dans l'après-midi, Mariano Rajoy, président du gouvernement espagnol, va à son tour s'exprimer. Et toute la question est de savoir quelles orientations vont prendre ses propos. "Il est dans une position très difficile. Cela aurait été plus simple pour lui d'avoir une déclaration unilatérale, il aurait activé l'article 155, le tribunal constitutionnel pour poursuivre le dirigeant catalan en justice. Là, il ne peut pas aller si loin, il est obligé de négocier" sous peine "d'avoir l'image d'une certaine radicalité qui va ensuite servir le camp des indépendantistes."
Reconnaître un Etat de nations ? Maraina Rajoy, au pouvoir depuis 2011, "a laissé l'indépendantisme prospérer", selon le politologue qui rappelle que les premières grandes manifestations en Catalogne datent de 2010. Pour autant, "tous les indépendantistes ne veulent pas l’indépendance mais imposer à l'Etat central une négociation vers plus d'autonomie", notamment concernant leur statut fiscal. Il existerait donc une marge de négociation. "Encore faut-il négocier. Le gouvernement conservateur ne le veut pas réellement. C'est un parti de droite et son électorat défend un nationalisme espagnol. Le plus simple serait d'ouvrir un débat sur la Constitution espagnole de 1978. Elle reconnaît uniquement la Nation espagnole mais donne à la Catalogne, à la Galice et au Pays basque le statut de nationalité. C'est tout à fait confus. C'est symbolique. On pourrait faire une réforme en mettant 'l'Espagne est une nation de nations.' Encore faut-il le faire", indique Mathieu Petithomme qui ouvre aussi la piste du fédéralisme.