En milieu de matinée, le bruit court parmi les milliers de sympathisants venus assister au bref discours de Carles Puigdemont près du Parlement : il a de nouveau pris la fuite. Très vite, selon des images diffusées par les médias espagnols, de vastes contrôles des véhicules se mettent en place dans les rues de Barcelone et sur les routes d'Espagne. Interrogée par l'AFP, la police locale a refusé de confirmer le lancement d'une vaste opération pour retrouver Puigdemont.
Quelques instants plus tôt, pourtant, l'ex-président de l'exécutif régional, qui avait fui l'Espagne en 2017 pour échapper aux poursuites le visant pour son rôle dans la tentative avortée de sécession de la région, avait mis en scène au grand jour son retour en Catalogne. Sous les acclamations de la foule scandant "président, président", il est monté vers 09 heures sur une scène installée devant l'arc de triomphe de Barcelone, près du Parlement régional, et y a prononcé un court discours, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Je ne sais pas combien de temps va passer avant que nous puissions nous voir à nouveau, mes amis, mais peu importe ce qu'il se passe, quand nous nous reverrons, j'espère que nous pourrons crier de nouveau bien fort ensemble (...): 'Vive la Catalogne libre!'", a lancé l'ancien président catalan, qui a passé les sept dernières années en Belgique et en Espagne.
"Humiliation insupportable"
"Son ton m'a beaucoup plu, (...) et ça m'a ému de le voir", déclare à l'AFP Albert, un Barcelonais âgé d'une cinquantaine d'années, qui ne souhaite pas donner son nom. Dans la foule rassemblée, quelques larmes sont versées. Après son discours, ses sympathisants ont pris la direction du Parlement, où était organisée l'élection du nouveau président de l'exécutif régional, le socialiste Salvador Illa, à laquelle Carles Puigdemont avait plusieurs fois annoncé son intention de participer.
Mais au moment où les débats ont débuté, les députés de son parti, Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) sont arrivés sans leur leader. "Une humiliation insupportable. Une de plus. C'est douloureux d'assister en direct à ce délire, dont (le Premier ministre Pedro Sanchez) est le principal responsable. C'est impardonnable d'abîmer ainsi l'image de l'Espagne", a fustigé sur X le président du Parti populaire (PP, droite) Alberto Núñez Feijóo.
"Ils cherchent le président Puigdemont de la même manière que la police nationale et la garde civile cherchaient les urnes et les bulletins de vote juste avant le 1er octobre", date du référendum illégal d'autodétermination organisé par le leader indépendantiste en 2017, a ironisé pendant le débat d'investiture Albert Batet, leader de Junts au Parlement catalan.
Très critiquée par l'opposition
Toujours visé par un mandat d'arrêt malgré la loi d'amnistie négociée par Pedro Sanchez en échange du soutien de Junts à son gouvernement, Carles Puigdemont risquait avec son retour d'être arrêté à tout instant - les forces de l'ordre devant se conformer obligatoirement au mandat d'arrêt le visant.
Très critiquée par l'opposition, cette loi d'amnistie est au coeur de multiples débats juridiques et, le 1er juillet, la Cour suprême a décidé qu'elle ne s'appliquait qu'à certains des délits reprochés au dirigeant indépendantiste - qui a encore dénoncé mercredi "l'attitude de rébellion de certains juges de la Cour suprême". Son arrestation avant les débats aurait pu faire dérailler, ou au moins retarder, le processus d'investiture de Salvador Illa comme nouveau président de la Generalitat, le gouvernement régional.
Après des mois de tractations depuis les élections de mai qui avaient vu les socialistes devancer le parti de Carles Puigdemont, mais sans obtenir la majorité absolue, un accord de coalition --notamment soutenu par les séparatistes de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), au grand dam de Junts-- a finalement vu le jour la semaine dernière. Ex-ministre de la Santé de Pedro Sanchez, Salvador Illa pourrait devenir le premier président de l'exécutif catalan à ne pas être issu des rangs d'un parti nationaliste depuis 2010.