Espagne : la Catalogne en passe de prendre la maîtrise de sa politique migratoire

Compétence pourtant dévolue à l'État espagnol, la maîtrise de la politique migratoire de Catalogne pourrait directement revenir à cette région autonome. Le Premier ministre du pays, Pedro Sanchez, a passé un accord avec le parti indépendantiste Junts, accord qui doit toujours être adopté par les députés.
Et si la Catalogne décidait d'accorder ou non les titres de séjour dans sa région autonome ? Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, issu du Parti socialiste, a passé un accord avec les indépendantistes catalans de Junts, dont le leader se nomme Carles Puigdemont, pour transférer des compétences en matière de politique migratoire à la Catalogne. Un exercice qui revient normalement à l'État.
Lier l'octroi de permis de séjour à la maîtrise du catalan
Cette proposition de loi doit encore être votée par les députés. En cas d'adoption, elle prévoit notamment que la police régionale catalane gérera la sécurité des ports, des aéroports et des zones critiques en coopération avec la police nationale et la Garde civile, l'équivalent des gendarmes, selon le parti Junts per Catalunya, classé à droite.
La Catalogne deviendra aussi le "guichet unique" sur son territoire pour les autorisations de séjour de longue durée et de résidence temporaire. Elle sera également compétente sur les procédures administratives, notamment le traitement des expulsions et "gérera intégralement les centres de rétention". Le parti indépendantiste a également assuré qu'il voulait lier l'octroi de permis de séjour en Catalogne à la maîtrise du catalan, en cas d'adoption du projet.
"Nous allons assumer une compétence qu'exercent normalement les Etats", s'est réjoui Carles Puigdemont lors d'une conférence de presse depuis la Belgique, où il est exilé depuis la tentative de sécession de 2017. La Catalogne fera "de même en matière de budget ou de plafond de dépense", a enchéri l'ancien président régional, estimant que la région frontalière de la France sera "beaucoup mieux préparée à son futur comme nation".
Un accord qui fait polémique dans la classe politique espagnole
Sans majorité au Parlement, le Parti socialiste de Pedro Sánchez a besoin des voix des sept députés indépendantistes de Junts per Catalunya pour faire adopter ses textes. Mais cet accord suscite un tollé de l'autre côté des Pyrénées. Il va "approfondir l'inégalité entre les Espagnols", a fustigé le leader du Parti populaire (opposition de droite) Alberto Núñez Feijóo. Le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez "poursuit le démantèlement de l'État en Catalogne", a-t-il ajouté.
Plus gênant pour le gouvernement, la secrétaire générale du parti de gauche radicale Podemos Ione Belarra a fustigé, elle aussi, sur X cet accord, laissant entendre que les quatre députés de la formation ne le voteraient pas, et mettant ainsi en péril son adoption.
"Cette décision constitue une nouvelle attaque frontale contre l'État de droit, une violation flagrante de la Constitution et une étape supplémentaire dans le démantèlement de la présence de la Police nationale en Catalogne", a aussi dénoncé le syndicat majoritaire de la police nationale JUPOL, appelant à la démission du ministre de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska.
Grignoter des voix à l'extrême droite
Interrogé par Le Figaro, le directeur de l'Institut de Sciences sociales et politiques de Barcelone, Oriol Bartomeus, note que cette proposition de loi peut également permettre au parti indépendantiste de grignoter des voix à l'extrême droite, en progression ces derniers temps.
"Junts est en concurrence électorale avec un nouveau parti d’extrême droite locale, Aliança catalana. (Les électeurs de ce parti) exigent la gestion de l’immigration, non pas pour l’exercer eux-mêmes, puisqu’ils ne gouvernent pas la communauté autonome, mais pour concurrencer ce parti à leur droite en disant aux électeurs qu’ils prennent le sujet au sérieux", expose-t-il. Toutefois, cela pourrait aussi pousser le parti de gauche radicale Podemos à ne pas soutenir le gouvernement espagnol sur ce sujet, ce qui serait vécu comme un revers politique pour les indépendantistes.