Des milliers d'arrestations et des tirs à balles réelles sur les manifestants : depuis dimanche, la Biélorussie est secouée par une mobilisation inédite d'une partie de la population. En cause, la réélection contestée du président Alexandre Loukachenko, qui dirige cette ex-république soviétique d'une main de fer depuis 1994, pour un 6e mandat. Le chef d'État a été donné largement en tête avec près de 80% des voix, tandis que son principal adversaire, l'opposante Svetlana Tikhanovskaïa, a quitté le pays pour la Lituanie. Invité mercredi d'Europe 1, Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof de Sciences Po, est revenu sur la situation sur place, et commenté les résultats, qu'il qualifie de "mensonge absolu".
Depuis sa première élection en 1994, "autant beaucoup de choses ont changé dans la région, autant Loukachenko a eu une politique qui lui a permis de rester au pouvoir, avec jusqu'à présent des débordements plus limités que ceux auxquels on a assisté dernièrement", rappelle le chercheur. Cette longévité a notamment été permise, explique-t-il, par "sa capacité à s'appuyer sur des forces armées". Mais aussi car "il a su s'appuyer sur un certain nombre de services rendu à la population pour pouvoir durer". Par exemple, dans le pays, "le taux de mortalité infantile est inférieur à celui du Royaume-Uni", tandis que le "revenu par tête est deux fois supérieur" à celui de l'Ukraine, pays voisin.
Comment la contestation peut-elle durer ?
Aujourd'hui, alors que les manifestants contestent les résultats de l'élection, Florent Parmentier estime que ce score de 80% est "un mensonge absolu", et "serait beaucoup plus proche de 25 ou de 30%".
Mais ce mouvement populaire pourra-t-il durer ? Pour Florent Parmentier, trois questions se posent. Celle de "la force des manifestants", celle du "soutien que pourra apporter l'extérieur", et enfin celle "du comportement de l'Etat lui-même". Et Florent Parmentier d'interroger : "Est-ce qu'au sein de la police, des services de renseignement, de diverses institutions biélorusses, il y aura une partie des élites qui dira : 'Ça suffit, je ne tirerai pas sur la foule' ?"