La Grèce incapable de gérer l'afflux de réfugiés, la Macédoine qui ferme ses frontières, la France qui démantèle la jungle de Calais... L'Europe peut-elle faire face à la crise migratoire ? "Il y a à peu près 100.000 migrants en Grèce depuis le début de l'année", dénombre Pascale Joannin, directrice générale de la fondation Robert Schuman (Centre de recherches et d’études sur l’Europe) au micro d'Europe 1. "Les réfugiés ne veulent pas venir en Grèce mais en Europe. Cela pose un problème pour la Grèce, qu'il faut aider. Après avoir d'abord refusé, elle demande désormais 500 millions d'euros. Le problème des Grecs, c'est qu'il n'y a pas d'Etat comme chez nous, ils ont du mal à assumer cette mission."
Enveloppe financière ou envoi de personnels douaniers et policiers, la spécialiste s'interroge sur la nature de l'aide à apporter. Selon elle, "le problème numéro 1 est de stopper cet afflux massif, identifier les vrais réfugiés, ceux qui fuient un conflit, sont persécutés dans leur pays et les migrants qui aimeraient bien trouver une place en Europe où il fait bon vivre. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde."
Contrôle aux frontières. Après la Grèce, sur la route des Balkans et du Nord, les réfugiés voient les frontières se fermer. "C'est de plus en plus difficile parce que des pays ont eu beaucoup de migrants. En Autriche par exemple, parce que les réfugiés veulent en général aller en Allemagne, en Suède ou au Royaume-Uni, d'où Calais, le point le plus proche du Royaume-Uni". La fermeture des frontières est-elle un droit ? La spécialiste distingue les pays de l'espace Shengen et ceux qui n'en font pas partie. Au sein de l'espace, réinstaurer provisoirement le contrôle aux frontières est permis par le traité. Pascale Joannin rappelle que "la France a été la première à réintroduire le contrôle aux frontières pour la COP 21".
Solidarité ? La crise migratoire démontre que la solidarité est "très difficile à trouver sur ces questions migratoires. Aujourd'hui, chaque Etat est compétent." Et les disparités sont d'autant plus fortes que l'afflux ne visait que quelques pays : "1,5 million en Allemagne, plus de 100.000 en Autriche qui a 8 millions d'habitants, 163.000 en Suède. Ces Etats veulent bien accueillir des réfugiés mais pas l'ensemble. Les Etats ont demandé à la Commission européenne de faire un projet de relocalisation pour 160.000 réfugiés l'année dernière. On en est à à peine 300", constate Pascale Joannin.
Deux solutions. Tout espoir est-il alors perdu ? La spécialiste voit deux possibilités pour améliorer le situation. D'abord, d'après elle, "il faut établir un dialogue avec la Turquie. Les Turques ont laissé complètement passé. Ceux qui se retrouvent au bord de la Méditerranée sur la côte turque ne prennent pas un bateau comme ça, on les laisse partir, c'est organisé. Les Turques ont joué un double jeu. Il faut les aider financièrement et leur dire de respecter leurs engagements", préconise-t-elle. Un sommet européen est prévu avec la Turquie le 7 mars.
Seconde lueur d'espoir selon la spécialiste : "Il faut aussi qu'on arrive au sommet avec la même voix franco-allemande". François Hollande va recevoir Angela Merkel vendredi, peut-être pour mettre en place cette solution franco-allemande qui fait défaut depuis le début.