"Jamais, depuis dix ans qu'on en parle, un accord franco-allemand n'avait été trouvé" sur un budget commun de la zone euro. Emmanuel Macron n'a pas caché sa satisfaction, mardi, à l'issue du conseil ministériel franco-allemand qui se tenait à Meseberg, près de Berlin. Paris a en effet réussi à convaincre Berlin de s'aligner sur cette proposition, faite de longue date par le président français. "Nous nous engageons pour un budget de l'euro", a confirmé Angela Merkel.
En réalité, les contours du projet restent flous. S'il a bien été décidé d'un "vrai budget, avec des recettes et des dépenses annuelles", dont l'exécution reviendra à la Commission européenne à partir de 2021, aucun montant n'a été arrêté. Surtout, il faut encore le faire valider aux 19 États de l'eurozone, ce qui ne sera pas une mince affaire. Mais la chancelière allemande a salué un "pas important", tandis qu'Emmanuel Macron vantait une "nouvelle page" de l'histoire de la monnaie unique.
À contre-courant. Tous deux le savent : cette annonce revêt une importance particulière au vu du contexte dans lequel elle est faite. Et la victoire est avant tout symbolique. Les deux dirigeants des pays considérés comme le "moteur" de l'Europe ont montré mardi qu'ils étaient prêts à avancer vers plus d'intégration européenne. À contre-courant de ce qui semble se produire avec les autres États membres depuis des mois, notamment le groupe de Visegrad.
" Entre ceux qui voudraient dire que l'Europe est bonne à détricoter et ceux qui croient que nous pouvons la faire avancer, nous avons montré que notre choix était clair. "
Celui-ci est composé de la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne et la République tchèque, quatre États qui refusent de jouer le jeu de la coopération européenne sur le sujet de l'immigration. Ils s'opposent en effet à la politique des quotas visant à répartir les migrants venus sur le Vieux Continent en fonction des possibilités de chaque pays. Et ont depuis été rejoints par l'Italie, qui a fermé ses ports au bateau humanitaire Aquarius, tandis qu'un "axe" entre les ministres de l'Intérieur allemand, autrichien et italien a vu le jour pour, là encore, s'opposer à l'afflux de migrants en Europe.
Deux visions de l'Europe. Sur le papier, cette problématique des migrants n'a rien à voir avec celle de la monnaie unique. En réalité, ce sont bien deux visions de l'Europe qui s'affrontent : d'un côté, les pays tentés par un repli sur leurs frontières ; de l'autre, ceux qui misent au contraire sur l'Union européenne pour se sortir de la crise. "Nous répondons aux défis contemporains par plus d'unité et de solidarité, par une convergence de vues très forte entre nos deux pays", a résumé Emmanuel Macron mardi. "Entre ceux qui voudraient dire que l'Europe est bonne à détricoter et ceux qui croient que nous pouvons la faire avancer en la rendant tout à la fois plus souveraine et plus unie […] nous avons montré que notre choix était clair."
Merkel sous pression. Ce choix clair était d'autant plus crucial à faire pour Angela Merkel que celle-ci doit ajouter aux coups de boutoir de ses voisins les pressions venues de son propre pays. Celle de son ministre de l'Intérieur, donc, qui en rejoignant cet "axe" a ouvertement contesté l'accueil réservé par la chancelière aux migrants. Mais plus globalement celle de la CSU, l'Union chrétienne-sociale alliée historique de la CDU (l'Union chrétienne-démocrate que préside Angela Merkel), qui réclame un durcissement de la politique migratoire. Acculée, la chancelière allemande a pour l'instant gagné du temps en arguant qu'elle allait négocier des solutions européennes. En s'affichant main dans la main avec Emmanuel Macron, auprès duquel elle a également prôné une solidarité de l'Union sur la question migratoire, Angela Merkel espère surmonter la crise politique qu'elle traverse.
Pour la survie de l'Union européenne comme pour leur propre situation politique, le couple Macron-Merkel était donc condamné à s'entendre. Reste à savoir si ce choix sera payant et saura parler aux électeurs. La réponse viendra rapidement, dès l'année prochaine, avec des élections européennes sur lesquelles le président français mise beaucoup.