Sa parole est rare. Le journaliste David Thomson a accepté de s'exprimer vendredi dans les pages du Figaro. Lauréat du prix Albert-Londres 2017 pour son livre Les Revenants, il est le seul journaliste à avoir côtoyer de près les djihadistes de l'organisation Etat islamique (EI) et à avoir noué des liens avec eux. Menacé de mort, il vit aujourd'hui exilé aux Etats-Unis. Il suit cependant de près le traitement des combattants radicalisés par la France : pour lui, la déradicalisation est "une chimère" car il est "impossible" de s'assurer du repentir d'un djihadiste.
"Une chimère" au service d'"escrocs". Alors que l'Etat a décidé de renoncer à la déradicalisation en centre fermé, David Thomson juge sans appel cette politique menée par l'ancien gouvernement : "la déradicalisation institutionnelle est une chimère". "Beaucoup ont prétendu le contraire pour des raisons politiques ou mercantiles", déplore-t-il et "d'authentiques escrocs ont été abreuvés de centaines de milliers d'euros de subventions publiques dans l'opacité". Le journaliste l'assure il est "impossible de s'assurer de la sincérité" de leur repentir.
"Déçus" mais toujours "fidèles". Selon David Thomson, "les revenants reviennent déçus mais, pour la plupart, fidèles au courant djihadiste de l'islam sunnite". Et de citer l'exemple d'une femme revenue de Syrie où elle avait subi "enfermement et violences sous l'EI". Malgré cela, le jour de l'attentat de Charlie Hebdo a été "le plus beau de sa vie", avait-elle déclaré. Selon lui, la prison peut encore davantage les radicaliser : "dans le huis clos carcéral, les djihadistes ont tendance à s'enraciner dans leur idéologie et dans leurs intentions terroristes".
Démocratie-djihadisme, "un combat à armes inégales". Alors qu'il s'est longtemps heurté au déni des experts et des politiques, l'ancien grand reporter est satisfait qu'aujourd'hui "tout le monde ait malheureusement compris le danger". Mais pour autant, ce dernier n'est pas écarté. "La démocratie ne lutte pas à armes égales avec le djihadisme", explique-t-il au Figaro. D'un côté, les djihadistes "ont la mémoire longue" et opèrent "sur le temps long, surtout quand ils sont en prison".
En face, la justice française fonctionne sur un temps court. "On estime que plus de 50% des détenus terroristes déjà condamnés sont censés sortir de prison d'ici à 2020", estime David Thomson. Par conséquent, si, sur le temps court, "la menace terroriste est moins forte en France", ce ne serait pas le cas "sur le long terme", craint le journaliste. Et la perte de leur territoire au proche-Orient par les djihadistes n'y changera rien : "l'EI n'a pas disparu" car il est devenu "un mouvement terroriste clandestin", soit "sa forme initiale", rappelle David Thomson.