L'état d'urgence a été décrété jeudi en Équateur, au lendemain de l'assassinat par balle de l'un des principaux candidats à la présidentielle du 20 août, Fernando Villavicencio, un acte fermement condamné par la communauté internationale. Deuxième dans les intentions de vote, l'ancien journaliste de profession et farouche pourfendeur de la corruption, a été tué à la fin d'un rassemblement électoral, alors qu'il sortait d'une salle omnisports dans le nord de la capitale Quito. Âgé de 59 ans, il briguait la présidence de son pays pour la première fois.
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Sur le site du rassemblement, des affiches du candidat centriste jouxtent une banderole sur laquelle on peut lire : "Les NARCOPOLITIQUES paieront. Fernando T.Q.M. (pour Te Queremos Mucho, nous t'aimons beaucoup) pour toujours". Des bouquets de roses blanches sont posés au sol. "Nous vivons un film d'horreur, avec des fusils mitrailleurs qui ont tiré 30 ou 40 balles (...)", a témoigné auprès de la presse Galo Valencia, l'oncle du candidat. Le principal quotidien du pays, El Universo, a indiqué que Fernando Villavicencio avait été tué "de trois balles dans la tête".
La communauté internationale condamne son assassinat
La communauté internationale a fermement condamné son assassinat, Washington le qualifiant d'"acte de violence odieux", l'Union européenne d'"attaque contre la démocratie" et la France d'"acte barbare". Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a dénoncé un "meurtre épouvantable", voyant dans la violence contre les responsables politiques "une menace sérieuse pour le processus électoral et la capacité du peuple à exprimer sa volonté démocratique".
Afin de garantir la tenue du scrutin du 20 août, le président Guillermo Lasso a décrété l'état d'urgence dans le pays pour 60 jours. "Les forces armées sont en ce moment mobilisées à travers tout le territoire national afin de garantir la sécurité des citoyens, la tranquillité du pays et des élections libres et démocratiques", a-t-il déclaré dans une allocution diffusée sur YouTube. Il a également décrété trois jours de deuil national "pour honorer la mémoire d'un patriote".
Des menaces de mort la semaine précédent l'assassinat
La semaine précédant sa mort, le candidat présidentiel, qui était sous protection policière, avait fait état par deux fois de menaces contre lui et son équipe. "Malgré les nouvelles menaces, nous continuerons de lutter pour les braves gens de notre #Equateur", avait-il écrit la semaine dernière sur X, nouveau nom de Twitter. L'attaque a également fait "neuf blessés, dont une candidate à l'Assemblée et deux policiers". L'un des assaillants a en outre été abattu par la sécurité. "Le crime organisé est allé très loin", a dénoncé sur X le président Lasso, se disant "indigné et choqué". "Je vous assure que ce crime ne restera pas impuni", a-t-il promis.
Ces dernières années, l'Équateur, autrefois un oasis de pays en Amérique du Sud, est confronté à une vague de violence liée au trafic de drogue qui, en plein processus électoral, a déjà entraîné la mort d'un maire et d'un candidat au Parlement. Une vidéo d'un groupe d'hommes vêtus de noir, encagoulés et armés de fusils, se réclamant du gang de Los Lobos et revendiquant le crime sans mentionner Villavicencio circule sur Internet. Son origine n'a cependant pas pu être vérifiée par l'AFP. Les experts en sécurité estiment qu'il pourrait s'agir d'une tentative de manipulation.
Prison de sécurité maximale
Fernando Villavicencio faisait partie des huit candidats de ces élections générales anticipées provoquées par la dissolution de l'Assemblée en mai par Guillermo Lasso. La date du premier tour a été maintenue au 20 août par le Conseil national électoral (CNE). Il se classait deuxième en intentions de vote avec environ 13%, selon les derniers sondages de l'institut Cedatos, derrière l'avocate Luisa Gonzalez (26,6%), proche de l'ancien président Rafael Correa (2007-2017), que Fernando Villavicencio avait envoyé sur le banc des accusés.
Entre autres propositions de campagne, le candidat centriste souhaitait la construction d'une prison de sécurité maximale en Amazonie. Quelques jours seulement avant d'être assassiné, il avait dénoncé des irrégularités dans des contrats publics.
L'un de ses principaux faits d'armes reste d'avoir envoyé sur le banc des accusés l'ancien président Correa grâce à l'une de ses enquêtes. Il avait révélé l'existence d'un vaste réseau de corruption, mettant face à la justice, l'ex-chef de l'Etat et des fonctionnaires de son gouvernement pour avoir reçu des pots-de-vin de la part d'hommes d'affaires. Rafael Correa, réfugié en Belgique et que Fernando Villavicencio surnommait "le fugitif", a été condamné par contumace à huit ans de prison dans cette affaire.