L'armée et la police équatorienne ont lancé dimanche une vaste opération pour reprendre le contrôle des prisons du pays, après la libération dans la nuit des 136 otages, fonctionnaires pénitentiaires et gardiens, qui y étaient retenus depuis une semaine par des mutins. L'armée a diffusé dimanche des vidéos montrant l'explosion des murs d'une prison, déclarant avoir repris le "contrôle total" d'un pénitencier dans la ville de Cuenca (sud). Sur d'autres images partagées par l'armée on pouvait voir des centaines de détenus, torse nu et sans chaussures. Mains sur la tête, beaucoup étaient en sous-vêtements.
"Félicitations au travail patriotique"
"La police et les forces armées sont entrées dans les prisons d'Esmeraldas, Machala, Aogues, Cotopaxi, Loja et Tungurahua pour reprendre le contrôle des pavillons" de ces établissements, a annoncé la police dans un communiqué en début de matinée. La situation restait cependant normale dans le vaste complexe pénitentiaire de Guayaquil (sud-ouest), épargné par les mutineries de ces derniers jours. L'opération a été lancée quelques heures après la libération de 130 otages, gardiens et fonctionnaires de l'administration pénitentiaire.
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"Cette nuit, les protocoles de sécurité et l'action conjointe de la police et de l'armée nationale ont permis la libération de tous les otages qui étaient retenus dans différentes prisons du pays", avait indiqué l'administration pénitentiaire dans un communiqué. Le président Daniel Noboa a immédiatement salué les libérations : "Félicitations au travail patriotique, professionnel et courageux des forces armées, de la police nationale et du SNAI (...) pour avoir obtenu la libération des gardiens et des personnels administratifs détenus dans les centres de détention d'Azuay, Cañar, Esmeraldas, Cotopaxi, Tungurahua, El Oro et Loja", a-t-il dit sur le réseau X.
Le corps sans vie d'un fonctionnaire retrouvé
Selon la police, ce sont 46 gardiens et un fonctionnaire qui ont été libérés de la prison de Cotopaxi (centre), 13 de la prison de Tungurahua (centre), et 15 autres de la prison d'El Oro (sud-ouest), où a été retrouvé le corps sans vie d'un fonctionnaire. Les images diffusées par la police ont montré les gardiens, parmi lesquels de nombreuses femmes, en pleurs, épuisés et soutenus par leurs collègues peu après leur libération.
"Grace à Dieu, nous nous en sommes tous bien sortis. Nous sommes en bonne santé. En espérant que ce sera un grand pas pour le pays vers la paix", ont déclaré dans une autre vidéo sur les réseaux sociaux les otages libérés de Cotopaxi, brandissant un drapeau équatorien. Depuis une semaine que durait leur détention, des otages, sous la menace des mutins armés de couteaux ou d'armes à feu, appelaient régulièrement les autorités à l'aide et à la retenue, selon des vidéos diffusées régulièrement sur les réseaux. Au moins deux d'entre eux, dont l'un a été pendu, ont été exécutés par les mutins, selon des images atroces.
Médiation
Ce sont près de 175 personnes, gardiens et fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, qui ont été pris en otage en fin de semaine dernière. Une quarantaine d'entre eux avaient été libérés samedi dans la journée, les autorités évoquant une médiation de l'Eglise catholique. Tout au long de ces prises d'otage, l'administration pénitentiaire (SNAI) a donné très peu de détails, les forces de sécurité affrontant les prisonniers mutins dans certains pénitenciers et jouant la négociation dans d'autres.
L'annonce de l'évasion le 7 janvier du pénitencier de Guayaquil (sud-ouest) du redouté chef du gang des Choneros Adolfo Macias, alias "Fito", a provoqué une vague de mutineries avec prises d'otages dans au moins cinq prisons, des attaques contre les forces de l'ordre et d'autres actes visant à semer la terreur. Au moins 19 personnes ont été tuées, selon le dernier bilan officiel actualisé.
22.400 militaires déployés
Le jeune président Daniel Noboa a décrété l'état d'urgence et ordonné à l'armée de neutraliser ces bandes criminelles, désormais considérées comme "terroristes". Plus de 22.400 militaires ont été déployés, avec des patrouilles terrestres, aériennes et maritimes. Des perquisitions et des opérations à tout va ont été menées dans les prisons, tandis qu'un couvre-feu a été imposé. Après un vent de panique dans tout le pays provoqué par l'attaque en direct mardi des studios d'une TV publique à Guayaquil, grand port sur la côte sud-ouest et épicentre de la violence des narcos, la situation est revenue à une relative normalité. L'activité a repris quasi normalement de jour, à Guayaquil comme à Quito, même si les Equatoriens rentrent rapidement se mettre en sécurité chez eux en fin d'après-midi.
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Autrefois un havre de paix, l'Equateur est devenu ces dernières années le centre d'expédition de la cocaïne produite chez les voisins colombien et péruvien. Les narcotrafiquants ont peu à peu imposé leur loi dans le pays, livré à la violence des bandes criminelles. Les prisons équatoriennes, surpeuplées et mises en coupe réglée par les gangs, sont le théâtre régulier de massacres entre ces bandes rivales: Choneros (ceux de Chone, ville de l'ouest du pays), Tiguerones (Tigres), Lobos (Loups) et autres Aguilas (Aigles).
Daniel Noboa, 36 ans, a été élu en novembre dernier plus jeune président de l'histoire du pays sur la promesse de rétablir la sécurité. Son prédécesseur, le conservateur Guillermo Lasso, a été confronté à plusieurs crises de violences dans les prisons et a décrété l'état d'urgence plusieurs fois, sans parvenir à reprendre le contrôle de la situation, et plus généralement à endiguer le narcotrafic, lié à la corruption, qui gangrène le pays.