La tension ne retombe pas entre Israël et le Hamas. Dans les territoires occupés, une centaine de morts ont été recensés, principalement à Gaza, après les bombardements de l'armée israélienne en réponse aux tirs de roquettes du Hamas. Après avoir visé l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, le mouvement islamiste a ciblé un deuxième aéroport près des lacs, dans le sud. Où en est la situation, jusqu'où peut-elle s'embraser, et quel rôle doit jouer la communauté internationale ? Europe 1 fait le point.
Quelle situation sur place ?
Guerre dans les airs, mais aussi au sol, car Israël déploie désormais des chars et des blindés le long de la frontière. Le porte-parole de l'armée affirme que parmi les scénarios à l'étude, il y a celui de l'invasion terrestre de l'enclave palestinienne. Pas de quoi rassurer Assia, une habitante de la bande de Gaza qui vit depuis trois jours au rythme des bombardements. "Personne ne rentre et ne sort de la maison. On peut marcher, mais pas loin et c'est risqué. Alors on est attend de voir ce qui va se passer", témoigne-t-elle au micro d'Europe 1. "Parfois, j'ai l'espoir que ça se calme, mais ils ne veulent pas s'arrêter. Ils veulent continuer les bombardements, continuer la guerre à Gaza. On va vers la mort."
La région est plongée dans un double conflit. En plus des affrontements avec le Hamas, l’État hébreu est secoué par des émeutes intracommunautaires. Les villes mixtes, où cohabitent Juifs et Arabes israéliens, connaissent des scènes d'affrontements. Le lynchage d'un Arabe, passé à tabac par des dizaines de Juifs issus de l'extrême-droite au sud de Tel Aviv, diffusé en direct à la télévision, a conduit le ministre de la Défense, Benny Gantz, à y envoyer des renforts. Au conflit armé, qui vient brutalement de se raviver, s'ajoute donc la crainte de voir apparaître une véritable guerre civile.
Vers une guerre civile ?
Le lynchage de cet Arabe au sud de Tel Aviv a considérablement choqué en Israël. "C'est une première", réagit Frédéric Encel, géopolitologue spécialiste du Moyen-Orient, invité d'Europe 1 jeudi soir. "Depuis la création d'Israël, en 1948, il n'y a jamais eu de véritable prodrome d'une guerre civile."
Alors se dirige-t-on vers une guerre à grande échelle ? Non, répond le spécialiste, qui estime que cela a peu de chance de se produire. "Depuis 1948, les 20% de citoyens arabes israéliens ont toujours été extrêmement loyaux à Israël et bénéficient pour l'essentiel de quasiment tous les mêmes droits et devoirs civiques", explique-t-il. Par ailleurs, "sur le plan politique et social, si vous êtes Arabe israélien et que vous regardez une carte du Moyen-Orient, vous réfléchissez à deux fois avant de dire 'puisque c'est comme ça, je m'en vais'. Oui, mais vous allez où ?"
L'équilibre n'en demeure pas moins précaire. Un phénomène lié, selon Frédéric Encel, à la conjonction de deux facteurs défavorables : "un vide politique intérieur", du côté israélien comme du côté palestinien, et "un vide diplomatique total depuis vingt ans", avec 35% des Palestiniens et environ 25% des Israéliens qui n'ont jamais connu de processus de paix.
Quel rôle pour la communauté internationale ?
En coulisses, les Nations Unies, le Qatar, l'Égypte et d'autres pays s'activent pour faciliter une médiation, mais cela peut-il fonctionner ? "Rien d'autre ne peut fonctionner", assure Frédéric Encel, alors qu'une troisième réunion d'urgence du Conseil de l'ONU est prévue vendredi.
Sur ce qui peut ressortir d'une telle réunion, le géopolitologue évoque avant tout une exigence de cessez-le-feu. "Les trois fois précédentes - à chaque fois qu'il y a eu une guerre entre Israël et un ou plusieurs États arabes -, ça a marché", dit-il. "Donc j'ai presque envie d'inverser le postulat en vous disant que c'est la seule manière dont on peut réellement en sortir."
Principale difficulté : le Hamas, considéré comme un groupe terroriste, ne dispose pas de représentant à l'ONU. Comment négocier dans ce cas ? "On le fait discrètement et sur le plan strictement technique et militaire", explique Frédéric Encel, qui rappelle que le cessez-le-feu est un acte politique, et non un acte de paix. "C'est un acte militaire, provisoire et garanti par pas grand-chose", ajoute-t-il. "Autrement dit, on peut discuter avec le Hamas sur le plan technique et militaire. Mais sur le plan politique, malheureusement ça ne résout absolument rien."