Après huit ans à la tête de la plus grande puissance mondiale, Barack Obama cédera sa place à Donald Trump, vendredi, lors d'une cérémonie d'investiture aussi attendue que crainte par une partie des Américains. Avant la passation de pouvoir, le président démocrate a tenté à travers plusieurs mesures de dernière minute de se rattraper (un peu) et surtout d'envoyer certains messages symboliques aux américains.
- La grâce de Manning : un geste envers la communauté LGBT
Barack Obama a commué mardi la peine de Chelsea Manning, condamnée à 35 ans de prison pour avoir transmis des documents confidentiels au site WikiLeaks. "Gracier des détenus est une tradition aux États-Unis. Barack Obama est le président qui a le plus usé des réductions de peine. Il estime que les individus ont droit à une seconde chance", explique Dominique Simonnet, écrivain et journaliste spécialiste des États-Unis. Dans le cas de Chelsea Manning, il a cherché à montrer une certaine souplesse envers les lanceurs d'alertes. "Mais il a toutefois fait une distinction entre Chelsea Manning, qui a joué le jeu de la justice, et revendiqué ses actes, et Edward Snowden, lanceur d'alerte exilé à Moscou, qui ne s'est pas soumis aux lois de la démocratie".
Surtout, selon le spécialiste, cette grâce est un geste bienveillant envers la communauté LGBT. La militaire transsexuelle s'appelait auparavant Bradley Manning. Emprisonnée depuis sept ans dans une prison d'hommes, elle avait tenté de mettre fin à ses jours en octobre, après une première tentative de suicide en juillet. "Elle était dans une situation dramatique. C'est un symbole. Un signe de tolérance envoyé aux Américains. Il veut montrer qu'il est le président de tous et ne met pas de côté les minorités", précise le spécialiste.
- Le soutien à l'arrêt de la colonisation israélienne : une réaffirmation
Le 24 décembre, Barack Obama a permis l'adoption d'une résolution de l'ONU pour l'arrêt de la colonisation israélienne en Cisjordanie en n'utilisant pas son droit de veto. L'administration Obama avait pourtant mis son veto à une résolution similaire en 2011.
Pour Yannick Mireur, politologue spécialiste des États-Unis, "cette résolution a permis au président américain d'exprimer son analyse sur ce qu'il considère être un point névralgique de la relation américano-arabe (...) Ce n'est pas la première fois qu'il critique la colonisation en Cisjordanie. Lors d'un discours prononcé au Caire, en 2009, il s'était aussi prononcé pour un État Palestinien qui soit viable", rappelle le politologue. "Sur le sujet israélo-palestinien Barack Obama a fait preuve de clairvoyance, mais pas de volonté suffisante. Au Congrès (qui regroupe la Chambre des représentants et le Sénat. Ndlr) le lobby favorable à la politique menée par Israël et en particulier avec le Likoud, est très actif. Barack Obama n'a pas voulu se le mettre à dos".
- Les sanctions contre la Russie : un pied de nez à Donald Trump
Le 29 décembre, 'le commander in chief' a également annoncé une série de mesures contre la Russie dénonçant son ingérence dans l'élection présidentielle américaine, et déclarant notamment "persona non grata" 35 membres des services de renseignement russes. "Cela s'inscrit dans une situation de tension avec Poutine. Les deux hommes ne se sont jamais appréciés. Mais jusque là Barack Obama avait mené la politique du 'reset'. On repart de zéro et on essaye de travailler ensemble", étaye Dominique Simonnet. Mais il y a eu l'Ukraine (et l'annexion de la Crimée), il y a eu l'ingérence dans la campagne…, alors finalement il fait preuve de fermeté mais tardivement", précise le journaliste. "Cela montre aussi la difficulté pour un président aussi intelligent que lui de pouvoir intervenir dans un monde aussi complexe."
De cette façon, Barack Obama cherche aussi à faire un pied de nez à son successeur, qui souhaite "normaliser" les relations entre les États-Unis et la Russie. Or une partie des Républicains au Congrès, comme John McCain ou Paul Ryan se sont dits favorables à ces sanctions. Barack Obama souligne dans le même temps les divisions au sein du parti républicain.
- L'interdiction du forage : l'une de ses priorités
Quelques semaines avant l'arrivée de Donald Trump, qui a promis de sabrer les réglementations environnementales, Barack Obama a également interdit tout nouveau forage de gaz ou de pétrole dans de vastes zones de l'océan Arctique.
Barack Obama a fait de la protection de l'environnement l'une des grandes priorités de ses deux mandats. Il a notamment ratifié l'accord de Paris sur climat et a interdit la construction de l'oléoduc Keystone qui était vivement contesté par les défenseurs de l'environnement. "Il a une vraie conscience de l'urgence de la situation. De cette façon, il réaffirme son attachement à l'environnement", étaye Dominique Simmonet. "Ce ne serait pas étonnant qu'il consacre une partie de son temps à ce sujet dans les années à venir." "Barack Obama anticipe les orientations de son successeur", ajoute Yannick Mireur. "En prenant ces mesures il donne un cap et réaffirme ses valeurs, celles qu'il a défendues pendant huit ans". Et jusqu'au dernier jour...