Un séisme de magnitude 7,2 a secoué Haïti samedi matin, causant au moins 724 morts, des centaines de blessés et de disparus dans le sud-ouest de l'île, a annoncé la protection civile haïtienne dont le précédent bilan faisait état de 227 décès. Le séisme, qui ravive les terribles souvenirs du grand tremblement de terre de 2010, s'est produit à 8h29 heure locale (12h29 GMT) à 12 km de la ville de Saint-Louis-du-Sud, située à quelque 160 km de la capitale haïtienne Port-au-Prince, selon les données de l'Institut américain de géophysique (USGS).
"Vraiment, Haïti est très mal logée"
Églises, commerces, maisons... Quantité de bâtiments se sont effondrés lors de la puissante secousse qui a piégé des centaines d'habitants sous des dalles de béton.
Sans souvent beaucoup de moyens, les habitants se sont pressés pour sortir des victimes blessées dans l'effondrement des édifices, un effort salué par les services de la protection civile. "Les premières interventions, menées tant par les sauveteurs professionnels que par des membres de la population ont permis d’extraire de nombreuses personnes des décombres", ont-ils indiqué.
Samedi après-midi, le directeur de la protection civile Jerry Chandler a annoncé à l'AFP qu'au moins trois centres hospitaliers, dans les communes de Pestel, Corailles et Roseaux, étaient saturés.
Le chef du gouvernement, qui a survolé en hélicoptère les zones les plus affectées samedi après-midi, a annoncé que l'état d'urgence avait été déclaré pour un mois sur les quatre départements affectés par la catastrophe.
"Ce que l'on souhaite ce sont des secouristes et des médecins, des infirmières, des dispositifs pour que du sang soit disponible", affirme Frantz Duval, rédacteur en chef du journal haïtien Le Nouvelliste, au micro d'Europe 1. "C'est l'aide automatique, tout de suite, pour ceux qui sont encore sous les décombres", poursuit-il. "On avait déjà une crise politique, le président Jovenel Moïse a été assassiné, la Covid est toujours présente en Haïti, il y a ce séisme, il y a un ouragan qui s'annonce... Vraiment, Haïti est très mal logée."
Menace des gangs
Du personnel et des médicaments ont déjà été acheminés par le ministère de la santé vers la péninsule sud-ouest mais la logistique d'urgence est mise en péril par l'insécurité structurelle qui mine Haïti depuis des mois.
Sur un peu plus de deux kilomètres, l'unique route reliant la capitale à la moitié sud du pays traverse le quartier pauvre de Martissant totalement sous contrôle des gangs armés depuis début juin, empêchant la libre circulation.
"Nous savons tous que nous avons un problème sur Martissant. Nous avons décidé que cette voie serait perméable c’est-à-dire qu’il faut que toute l’aide puisse passer" a déclaré le premier ministre Ariel Henry lors d'un point de presse samedi soir.
"La police ainsi que les FAD'H (Forces armées d'Haïti, ndlr) sont mobilisées et d’autres moyens sont mobilisés afin que cette aide que nous voulons acheminer à nos frères et sœurs en difficulté puisse arriver", a ajouté le chef du gouvernement sans fournir davantage d'explications.
Le président américain Joe Biden a fait part samedi de sa "tristesse" face à la catastrophe, offrant l'assistante "immédiate" des États-Unis. Il a chargé la directrice de l'agence américaine d'aide internationale (USAID), Samantha Powers, de coordonner cet effort.
Hôtel et maisons effondrés
Sur la côte sud, un hôtel de plusieurs étages, baptisé Le Manguier, s'est totalement effondré aux Cayes, troisième ville d'Haïti. Le corps sans vie de l'ancien sénateur haïtien Gabriel Fortuné, propriétaire de l'hôtel, a été retiré des décombres, selon des témoins. Sa mort a été confirmée par le Premier ministre.
La longue secousse a été ressentie sur l'ensemble du pays. Comptant plus de 200.000 habitants, l'agglomération de Jérémie, à l'extrémité sud-ouest de la péninsule, a souffert d'importants dommages dans le centre-ville, constitué principalement d'anciennes maisons de plain-pied.
"Le toit de la cathédrale est tombé", a détaillé à l'AFP Job Joseph, habitant de Jérémie. "La grande rue est bloquée (...) C'est là qu'il y a toute l'activité économique de la ville". "Les gens sont affolés, les parents sont avec leurs enfants dans les bras et quittent la ville car il y a des rumeurs de tsunami", a abondé Tamas Jean Pierre.
Une alerte au tsunami avait en effet été lancée dans la foulée du séisme par l'Agence nationale océanique et atmosphérique américaine avant d'être rapidement levée.
La ville de Jérémie, surnommée la cité des poètes, est relativement isolée du reste du pays car la route nationale qui traverse l'île n'est pas encore achevée.
"J'étais à l'intérieur de chez moi quand ça a commencé à secouer, j'étais près d'une vitre et je voyais toutes les choses tomber", a raconté de son côté à l'AFP, Christella Saint Hilaire, 21 ans, qui vit dans la commune de L'Asile, près de l'épicentre du séisme. "Un bout de mur est tombé sur mon dos mais je ne suis pas trop blessée", a poursuivi la jeune femme. "Plusieurs maisons se sont complètement effondrées."
Le traumatisme du séisme de 2010
Sur des vidéos partagées en ligne, des riverains ont ainsi filmé des ruines de divers bâtiments en béton, dont une église dans laquelle une cérémonie était apparemment en cours samedi matin dans la commune de Les Anglais, à 200km au sud-ouest de Port-au-Prince.
Le pays le plus pauvre des Amériques garde encore en mémoire le séisme du 12 janvier 2010 qui avait ravagé la capitale et plusieurs villes de province.
Plus de 200.000 personnes avaient été tuées et plus de 300.000 autres avaient été blessées lors de la catastrophe. Plus d'un million et demi d'Haïtiens s'étaient ensuite retrouvés sans logis, plaçant les autorités et la communauté humanitaire internationale devant le colossal défi d'une reconstruction dans un pays sans cadastre ni règles de bâtisse.
Sans parvenir à relever ce défi de reconstruction, Haïti qui est aussi frappé régulièrement par des ouragans, a en onze ans plongé dans une crise socio-politique aigüe.