Elle reste encore marginale mais la grogne monte à Hollywood : l'État américain de Géorgie, qui a su séduire studios et producteurs avec des dispositifs fiscaux très favorables, pourrait désormais se mettre à dos l'industrie du divertissement en durcissant sa loi sur l'avortement.
Des personnalités mobilisées contre la loi sur l'avortement
Alec Baldwin, Don Cheadle, Ben Stiller, Mia Farrow, Amy Schumer et plusieurs dizaines d'acteurs américains emmenés par Alyssa Milano avaient déjà menacé fin mars de boycotter les tournages en Géorgie si l'État adoptait ces nouvelles mesures restreignant l'interruption volontaire de grossesse.
Sourd à ces demandes, le gouverneur républicain de cet État du sud des États-Unis, Brian Kemp, vient de ratifier une loi interdisant l'avortement dès que les battements du cœur du fœtus sont perceptibles. Cela correspond environ à la sixième semaine de grossesse, un stade où bien des femmes ignorent encore qu'elles sont enceintes.
Alyssa Milano est aussitôt montée au créneau. "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que le plus grand nombre de productions possibles quitte cet État qui continue à promouvoir une politique oppressive et néfaste, contraire à tout ce que l'industrie du divertissement défend", a déclaré l'actrice au site BuzzFeed News.
Des conditions fiscales très avantageuses pour les tournages
Ironie du sort, elle est contractuellement tenue d'achever en Géorgie le tournage de la série télévisée Insatiable, prévu pour encore un mois. La Géorgie a en effet de nombreux atouts, notamment financiers : le coût de la vie est bien moindre qu'à Los Angeles et surtout, l'État a adopté en 2008 des mesures fiscales très avantageuses pour les productions qui s'y tournent, qui peuvent avoir jusqu'à 30% de crédit d'impôt.
Des films Marvel comme Black Panther ou Avengers : Infinity War ont été réalisés en Géorgie, qui accueille aussi les équipes de nombreuses séries télévisées, comme Stranger Things, Ozark ou The Walking Dead. L'an dernier, plus de 450 productions y ont installé leurs caméras, investissant 2,7 milliards de dollars (soit 2,4 milliards d'euros).
Producteurs indépendants et scénaristes ont rallié la cause
Plusieurs producteurs indépendants ont également pris position contre la loi géorgienne. "Je ne peux pas demander à l'employée d'une production sur laquelle je travaille de se marginaliser ou de remettre en cause sa souveraineté inaliénable sur son corps", a ainsi déclaré David Simon, créateur de séries à succès comme The Wire ou The Deuce.
Le syndicat des scénaristes américains a lui aussi affirmé dans un communiqué que cette loi sur l'avortement fait de la Géorgie "un endroit inhospitalier pour ceux qui travaillent dans l'industrie du film et de la télévision".
Des studios qui restent prudents en arguant le nombre d'emplois en jeu
Mais les grands studios, eux, restent prudents, sinon muets. "Nous allons continuer à surveiller la situation", a assuré vendredi Chris Ortman, porte-parole de la Motion Picture Association of America, association qui regroupe les six poids lourds de Hollywood (Paramount, Sony, Universal, Disney, Warner Bros, récemment rejoints par Netflix).
"Il faut se souvenir que d'autres États ont tenté d'adopter des législations similaires et qu'elles ont été invalidées par des tribunaux ou qu'elles font actuellement l'objet de plaintes", a-t-il affirmé, relevant que les productions en Géorgie représentent plus de 92.000 emplois et autant de familles.