C’est un rêve plus que fou, mais pas impossible. Le milliardaire russe Yuri Milner, associé à Stephen Hawking, veut construire un vaisseau spatial qui permettra de voyager à 60.000 km par seconde. Leur objectif : atteindre Alpha du centaure, l’étoile la plus proche de la Terre.
- Le problème de la vitesse
Actuellement, l’Homme a réussi à faire voyager des sondes dans l’espace à une vitesse maximale de 49 kilomètres par seconde. C’est le cas de New Horizons qui a atteint Pluton l'année dernière. "Mais à cette vitesse-là il faudrait entre 20.000 et 40.000 ans pour se rendre jusqu’à Alpha du centaure", explique Alain Cirou, consultant scientifique à Europe 1. "Il faudrait donc utiliser une toute autre technologie pour atteindre une vitesse beaucoup plus élevée. Et on sait aujourd’hui que la chose la plus rapide qui existe est la lumière", poursuit l’expert.
C’est donc à partir de cette idée que Yuri Milner et Stephen Hawking ont imaginé une technologie basée sur la lumière.
- Comment ça marche ?
Les deux scientifiques ont pour ambition de propulser un petit vaisseau, "StarChip", qui ne pèserait que quelques grammes, à un cinquième de la vitesse de la lumière, en bombardant sa voile de photons produits par un laser basé sur Terre.
"L’idée est de fabriquer un canon à lumière, un laser, qui bombarderait une petite voile de photons. Ces photons, un peu à la manière d’une boule de billard qui viendrait buter sur une autre et la propulser, vont faire avancer le vaisseau", résume Alain Cirou.
- Est-ce que c’est faisable ?
Si sur le papier l’idée paraît évidente, dans la pratique elle l’est beaucoup moins. "Le problème, c’est que si ces technologies existent, il faudrait les développer considérablement pour les adapter au projet et cela nécessiterait des milliards de dollars", souligne Alain Cirou. Yuri Milner qui a bâti sa fortune grâce à des investissements judicieux dans plusieurs start-ups, notamment Facebook, va dédier 100 millions de dollars au projet, baptisé "Breakthrough Starshot".
Un somme insuffisante face aux défis qui attendent les scientifiques qui travaillent sur le projet. Il faudrait, par exemple, mettre au point un laser suffisamment puissant pour passer à travers l’atmosphère terrestre, et qui irait ensuite viser une toute petite voile dans l’espace. Les premiers résultats de recherche ont été publiés sur le sujet. Ils indiquent que la projection de ce rayon laser nécessiterait environ cent gigawatts, soit à peu près l'énergie requise pour faire décoller une navette spatiale, a expliqué Avi Loeb, professeur à Harvard et membre du projet.
De plus, il faudra travailler à l’amélioration des voiles solaires. "Elles ne sont pas nouvelles, elles existent depuis les années soixante", précise l’expert scientifique. "Mais il y a encore beaucoup de problèmes sur le déploiement de la voile, lors de son ouverture, dans l’espace".
- Porter la science au-delà des limites
Mais il semble en falloir plus à Yuri Milner pour se décourager. L’investisseur dont la fortune est estimée par le site Forbes à 2,9 milliards de dollars, soit 2,6 milliards d'euros, s’enthousiasme déjà : "Il est temps de faire le prochain grand bond de l'histoire de l'humanité".
Yuri Milner s'est associé à Stephen Hawking, l’astrophysicien mondialement connu pour ses travaux sur les trous noirs et pour son bestseller Une brève histoire du temps. "Je pense que ce qui fait que nous sommes uniques (en tant qu'êtres humains) est que nous dépassons nos limites", a commenté Stephen Hawking.
Le milliardaire russe a indiqué qu'il investirait de sa poche les cent premiers millions de dollars dans le projet mais chercherait ensuite, en cas d'avancée majeure, d'autres sources de financement. "Il est très clair que c'est une initiative à but non lucratif", a-t-il plaisanté, concédant que les chances de succès et le coût final étaient incertains.
Yuri Milner estime que ces sondes pourraient être produites et lancées en masse, ce qui permettrait notamment, outre la mission vers Alpha du Centaure, d'explorer notre système solaire et peut-être y trouver des traces de vie.