Le Parlement israélien a voté lundi une mesure clé du projet de réforme judiciaire porté par le gouvernement de droite, à l'origine d'un vaste mouvement de contestation et qui suscite l'inquiétude de pays étrangers alliés. Cette mesure, qui vise à limiter la possibilité pour la Cour suprême d'invalider une décision du gouvernement, a été approuvée par les 64 députés de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu, sur un total de 120. Les élus de l'opposition ont boycotté le vote, certains criant "honte, honte".
Benjamin Netanyahu, âgé de 73 ans, a participé au vote après être sorti de l'hôpital où il avait été admis pour la pose d'un stimulateur cardiaque. La police avait dispersé peu avant avec des canons à eau des centaines de manifestants qui bloquaient l'entrée du Parlement. Cette mesure, la première de la réforme à devenir une loi, empêche la Cour suprême d'invalider une décision gouvernementale en jugeant de son "caractère raisonnable". Elle avait été approuvée en première lecture le 11 juillet.
"Une urgence nationale"
Cette clause dite du "caractère raisonnable" avait contraint en janvier Benjamin Netanyahu à démettre de ses fonctions le numéro deux du gouvernement, Arié Dery, condamné pour fraude fiscale, à la suite de l'intervention de la Cour suprême. Le président israélien Isaac Herzog, qui a mené des tractations de dernière minute pour parvenir à un compromis entre l'opposition et le gouvernement, a évoqué "une urgence nationale". La réforme défendue par le gouvernement, qui comprend des partis juifs ultra-orthodoxes et d'extrême droite, vise à accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats.
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Le gouvernement estime qu'elle est nécessaire pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs, mais ses détracteurs y voient une menace pour la démocratie. La contestation populaire, qui rassemble chaque semaine depuis janvier des dizaines de milliers de manifestants, s'est intensifiée à l'approche du vote.
"Source de division"
Dimanche, le président américain Joe Biden a exhorté Israël, son allié, à ne pas précipiter la réforme, "de plus en plus source de division" selon lui. "Cela n'a pas de sens que les dirigeants israéliens précipitent (la réforme), l'objectif devrait être de rassembler les gens et de trouver un consensus", a-t-il déclaré. En Allemagne, la cheffe de la diplomatie Annalena Baerbock a souligné l'importance de "l'indépendance de la justice", lors d'un entretien ce week-end avec son homologue israélien, a déclaré un porte-parole à Berlin.
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Benjamin Netanyahu avait dit dimanche poursuivre les "efforts pour achever la réforme (...) et les efforts pour le faire en accord" avec l'opposition. A l'origine du projet, le ministre de la Justice Yariv Levin a déclaré que le gouvernement avait choisi une approche "prudente". "Nous n'annulons pas la clause de 'caractère raisonnable' mais nous réduisons son usage, afin que les opinions personnelles d'un juge ne s'expriment pas aux dépens de la volonté du peuple", a-t-il déclaré aux députés.
Juste après le vote, Yariv Levin a déclaré vouloir "arriver à un accord" sur la suite du projet, car "c'est dans l'intérêt de la nation". Les détracteurs du Premier ministre, en procès pour corruption, l'accusent de vouloir utiliser cette réforme pour atténuer un éventuel jugement à son encontre.
"Forces des ténèbres"
"Aujourd'hui, la première loi qui va commencer à renverser la démocratie israélienne passera probablement" au Parlement, avait déclaré plus tôt Shahaf Kushinsky, 34 ans, employé dans le secteur de la haute technologie venu manifester près de la Knesset. "Cela donnera au gouvernement un pouvoir illimité. C'est la porte d'entrée d'une dictature et c'est pourquoi nous sommes ici, nous nous battons pour notre démocratie", a-t-il ajouté. D'autres dispositions provoquent aussi le mécontentement, comme celle modifiant le processus de nomination des juges, déjà adoptée par les députés en première lecture.
Les manifestations ont attiré des Israéliens de tous les horizons politiques et sociaux, laïques ou religieux, militants pacifistes, cols bleus ou travailleurs du secteur de la technologie mais aussi des réservistes de l'armée, dans un contexte de montée des violences israélo-palestiniennes. "Nous défendons notre démocratie avec nos corps", a déclaré Tali Gal, venu manifester contre les "forces des ténèbres". Ce professeur de droit de 52 ans dit vouloir "envoyer un message au monde pour dire que nous avons besoin d'une intervention maintenant pour arrêter cela."