Le Hezbollah bascule dans une nouvelle ère après l'assassinat il y a un mois de son chef tout-puissant, Hassan Nasrallah, mais le mouvement soutenu par l'Iran est désormais confronté au débat existentiel sur l'avenir de son arsenal militaire, estiment des analystes. Même en accumulant les coups durs, le mouvement reste en mesure de répliquer avec des frappes en plein cœur du territoire israélien.
"La mort de Nasrallah représente la fin d'une époque"
Depuis plus d'un an, le Hezbollah et Israël échangent des tirs à la frontière, un "front de soutien" ouvert par le mouvement islamiste libanais en solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza et le mouvement islamiste Hamas, en guerre avec Israël depuis son attaque sans précédent le 7 octobre 2023 sur le sol israélien. Le 23 septembre, le conflit larvé entre le Hezbollah et Israël s'est transformé en guerre ouverte : opérations terrestres, bombardements destructeurs et meurtriers sur le sud, l'est du Liban, et la banlieue sud de Beyrouth.
Et surtout, une série de frappes massives, visant à décapiter la direction du mouvement en assassinant tous ses commandants de haut rang, à commencer par Nasrallah, tué le 27 septembre. "La mort de Nasrallah représente la fin d'une époque", confirme le politologue Sam Heller, analyste à la Century Foundation, y voyant un "tournant" pour le Hezbollah. "C'était un dirigeant très charismatique, le principal décideur de l'organisation à mesure qu'elle gagnait en influence au Liban et dans la région".
Sa disparition a eu l'effet d'un séisme au Liban et dans la région. Après son arrivée à la tête du parti en 1992, l'homme était devenu l'ennemi public numéro un d'Israël. Depuis sa mort, le Hezbollah n'a toujours pas nommé son successeur. Un temps pressenti pour prendre sa relève, le chef du Conseil exécutif, Hachem Safieddine, a été tué dans des raids israéliens le 4 octobre. Quelques jours plus tôt, des frappes visant une réunion des commandants de l'unité d'élite du Hezbollah faisaient 16 morts parmi lesquels leur chef Ibrahim Aqil.
"Féroce résistance"
En plus d'un mois, les raids israéliens ont fait au moins 1.580 morts et plus d'un million de déplacés. Actuellement, une direction collégiale est aux manettes du Hezbollah. Mais des responsables libanais parmi lesquels le Premier ministre, Najib Mikati, assurent que les communications avec le parti sont coupées. Et si le Hezbollah affaibli a enchaîné les revers, il n'a rien perdu de sa défiance. Mardi, il revendiquait une attaque de drone contre la résidence privée du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à Césarée, dans le centre d'Israël.
Malgré les combats "l'ennemi n'a été en mesure de contrôler totalement" aucun des villages frontaliers dans le sud libanais, assurait récemment le Hezbollah. Les troupes israéliennes "n'ont pas pu progresser plus de deux kilomètres au-delà de la frontière", indique à l'AFP une source proche du mouvement. Elles sont confrontées à une "féroce résistance et sont contraintes de battre en retraite". Des médias libanais ont toutefois rapporté que le président du Parlement, Nabih Berri, chargé de négocier pour le Hezbollah, serait enclin à accepter un cessez-le-feu au Liban. Mais le mouvement refuse jusqu'ici de renoncer à l'escalade avec Israël sans l'adoption d'une trêve à Gaza.
Appels à la nomination d'un chef d'Etat au Liban
Malgré tout, avec le chaos actuel au Liban, les détracteurs rouvrent le débat houleux sur l'arsenal militaire du Hezbollah. "La guerre ne pourra pas se terminer avant un désarmement du Hezbollah", estime Elie Jabbour, informaticien de 27 ans. "Quand cela arrivera, il pourra alors intégrer les institutions étatiques en sa qualité de parti politique." Actuellement, le Hezbollah est la seule faction à ne pas avoir déposé les armes au sortir de la guerre civile (1975-1990). Son arsenal surpasse même celui de l'armée libanaise, selon des experts.
Mais des partis font pression pour faire respecter des résolutions de l'ONU -- 1559 et 1701 -- appelant à réserver le monopole des armes à l'Etat. Et tandis que depuis deux ans le Hezbollah bloquait selon des experts l'élection d'un président car n'arrivant pas à imposer son candidat, désormais les appels à nommer un chef de l'Etat se multiplient. Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a appelé à "élire un président qui s'engage à ne tolérer aucun mouvement ou armement hors du cadre étatique".
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Sam Heller espère toutefois que "même les rivaux" du Hezbollah seront "suffisamment intelligents pour ne pas suivre les conseils mal avisés des Etats-Unis" et tenter de "marginaliser le Hezbollah politiquement". Le résultat serait "un conflit intra-libanais". Pour l'expert, le Hezbollah "devra probablement s'adapter", via la négociation ou en acceptant "des conditions équitables sur le terrain". Mais, dit-il, "je ne pense pas que cette guerre conduira au désarmement du Hezbollah".