Quatre ans après sa mort, Oussama Ben Laden continue à se dévoiler. L'administration américaine a déclassifié mercredi des documents saisis en 2011 dans la cache du chef d'Al-Qaïda à Abbottabad au Pakistan. Les textes, pour la plupart des notes internes ou des brouillons de discours jamais prononcés, dévoilent l'état d'esprit du chef d'Al-Qaïda, son anxiété face aux services de renseignements occidentaux et donnent des éléments sur sa vie familiale.
- Ben Laden, PDG qui aimait déléguer
Gérer une organisation comme Al-Qaïda n'est pas une mince affaire. Oussama Ben Laden en était conscient et administrait le réseau international en véritable directeur des ressources humaines. Les documents donnent à voir un Ben Laden obsédé par l'organisation.
Lorsqu'Al-Qaïda s'est retrouvée dans une situation délicate, Ben Laden y a apporté une réponse très pragmatique : "Nous avons besoin d'un département pour le développement et l'organisation", est-il simplement écrit. Ben Laden poussait également pour de meilleures formations professionnelles au sein d'Al-Qaïda : "L'une des spécialités dont nous avons besoin et que nous ne devons pas négliger est la science de l'administration".
Le chef d'Al-Qaïda explique ne pas avoir besoin de connaître les détails de ces "missions extérieures", titre donné aux attaques contre les intérêts occidentaux. "Mais quand les missions extérieures étaient retardées, j'étais obligé de m'intéresser à la question", déplore-t-il dans une autre note. En 2010 pourtant, le chef d'Al-Qaïda a donné des directives sur les négociations à mener concernant les otages français au Mali ou en Afghanistan.
Oussama Ben Laden semblait en tout cas attacher de l'importance aux nouveaux membres. Les Américains ont notamment retrouvé des formulaires de recrutement à Abbottabad. "S'il vous plaît, remplissez les informations requises précisément et honnêtement. Ecrivez de manière claire et lisible. Nom, âge, situation maritale. Voulez-vous commettre un attentat suicide?", peut-on y lire.
- Oussama, père et époux
Les documents de l'administration américaine donnent aussi une petite idée de la vie de famille d'Oussama Ben Laden caché dans sa maison au Pakistan. On savait déjà certains de ses fils et gendres impliqués dans le réseau terroriste, mais dans ces notes, on voit comment il restait en contact avec une partie de sa famille réfugiée en Iran.
Brûlant de devenir djihadiste, Hamza, un des fils Ben Laden, écrivait à son père pour l'assurer de sa volonté de rejoindre les terroristes. Le jeune homme était loin d'être une recrue ordinaire. Parmi la vingtaine d'enfants d'Oussama Ben Laden, il était son fils préféré et devait devenir son héritier à la tête d'Al-Qaïda, poussé par sa mère. Le jeune homme se disait "forgé dans l'acier" et prêt à un voyage "vers la victoire ou le martyr". Coincé en Iran, il regrettait de n'avoir pas pu rejoindre les armées de moudjahidine de son père, dont il a été séparé à l'âge de 13 ans. "J'ai peur de passer ma jeunesse derrière des barreaux de fer", ajoute-t-il. "Mon cher père, je t'annonce que moi comme chacun, que Dieu soit loué, nous suivons le même chemin, le chemin du djihad".
Dans les documents, on apprend également comment Ben Laden voulait faire venir une de ses épouses dans sa cache d'Abbottabad. Le chef d'Al-Qaïda réclamait le maximum de précaution pour ce trajet. "Avant que Oum Hamzah n'arrive ici, il est indispensable qu'elle laisse tout derrière elle, y compris vêtements, livres, tout ce qu'elle possédait en Iran", écrit-il, expliquant craindre que les services secrets iraniens n'aient implanté des micro-mouchards dans ses affaires.
Il intime à son épouse de bien prévoir son voyage : "Nous ne pouvons aller voir des médecins, prends donc tes précautions, en particulier pour tes dents, et garde les ordonnances de tous les médecins que tu vas voir pour que nous puissions avoir les médicaments quand tu nous auras rejoints", précise le chef d'Al-Qaïda. Oum Hamzah - Khairiah Sabar de son vrai nom - était l'une des trois épouses présentes lors du raid de commandos américains en 2011. Elle a été arrêtée par les autorités pakistanaises après l'opération.
Au total, Washington a dévoilé une centaine d'archives, que l'Agence France Presse a pu consulter. Mais l'AFP précise n'avoir pu vérifier ni l'origine, ni la traduction de ces notes.
Cette déclassification intervient moins de deux semaines après la publication d'un article d'un éminent journaliste américain, remettant en cause le scénario de la mort du Saoudien. Un porte-parole de la CIA a assuré que le processus avait commencé il y a plusieurs mois et ne pouvait être considéré comme une réponse à l'article.