Alors que le bilan à Beyrouth ne cesse de s'alourdir, au moins 100 morts et plus de 4.000 blessés selon la Croix Rouge libanaise, les circonstances des deux explosions survenues mardi sur le port de la capitale du Liban se précisent. Le gouvernement pointe du doigt une cargaison de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, un sel blanc et inodore composant de base pour engrais agricole, confisquée puis stockée depuis six ans "sans mesures de précaution" dans le port.
Le nitrate d'ammonium est une substance dangereuse, notamment lorsqu'elle est à proximité de produits inflammables. Elle était à l'origine du drame de l'usine d'AZF à proximité de Toulouse. Le 21 septembre 2001, 300 tonnes avaient explosé, faisant 31 morts et 2.500 blessés.
"Des conséquences humaines qui risquent d'être monstrueuses"
Au Liban, la cargaison était presque dix fois plus élevée, ce qui explique l'ampleur des dégâts. "C'est un cas d'explosion avec une telle chaleur qu'il n'y a plus rien. Il faut être très clair, il n'y a strictement plus rien dans les 150 premiers mètres. Et petit à petit, cela va descendre en dégâts, mais on va avoir des gens qui ont été 'blastés' [l'onde de choc peut provoquer des dégâts corporels internes ou projeter les victimes, ndlr], des gens qui vont avoir reçu des objets, qui vont être brûlés, qui ne vont plus entendre car les tympans percent avec ce genre de chose", explique Michaël Bernier, lieutenant-colonel à la Sécurité civile, spécialiste des explosions en milieu industriel. "Vous avez des immeubles qui risquent de s'effondrer encore, avec des conséquences humaines qui risquent d'être monstrueuses".
Les explosions ont été si puissantes qu'elles ont été enregistrées par les capteurs de l'institut américain de géophysique (USGS) comme un séisme de magnitude 3,3. Le souffle a été ressenti jusque sur l'île de Chypre, à plus de 200 kilomètres.
"Nous ne connaîtrons pas de repos tant que nous ne trouverons pas le responsable de ce qui s'est passé pour qu'il rende des comptes", a promis le Premier ministre libanais, qui juge inacceptable le stockage d'une telle quantité de cette substance dangereuse. Le Conseil supérieur de défense "recommande" au gouvernement de décréter l' "état d'urgence" pour deux semaines dans la ville de Beyrouth. Durant cette période, un "pouvoir militaire suprême sera chargé de toutes les prérogatives en matière de sécurité", selon le communiqué de clôture du Conseil supérieur de défense. Le gouvernement doit tenir une réunion d'urgence mercredi.