Mort du pape François : comment fonctionne un conclave pour élire son successeur ?

Après la mort du pape François, ce lundi à l'âge de 88 ans, les cardinaux s'apprêtent à se réunir pour choisir son successeur dans le cadre d'un conclave. Un événement rare, qui répond à des codes stricts préalablement définis. Comment cela s'organise-t-il ? Europe 1 fait le point.
Si vous avez vu le film Conclave, récompensé lors de diverses cérémonies, vous avez eu un aperçu des coulisses autour de l'élection d'un souverain pontife. Un "conclave" va effectivement se tenir après la mort ce lundi 21 avril du pape François, à l'âge de 88 ans. Concrètement, il s'agit du lieu où les cardinaux, ceux qui participent au vote à bulletin secret, vont être enfermés pour choisir le successeur durant le "Sede vacante", le temps du siège vacant. C'est devenu, par extension, le nom attribué à ce processus.
Les cardinaux coupés du monde dans la chapelle Sixtine
Cette tradition a été codifiée en 1274, lors du deuxième concile de Lyon sous l'égide du pape Grégoire X, élu après deux ans et neuf mois de scrutins entre 1268 et 1271... Elle a légèrement évolué au fil des siècles, et depuis 1970, seuls les cardinaux de moins de 80 ans peuvent voter, et il peut y en avoir, en théorie, jusqu'à 120. Ce nombre a cependant été plusieurs fois dépassé par le passé, et aujourd'hui, on en compte 135. Pendant toute la durée du conclave, ils seront logés comme de coutume à la résidence Sainte-Marthe, là où le pape François a vécu ses dernières heures.
Les cardinaux se rassemblent ensuite dans la chapelle Sixtine, au Vatican, entre 15 et 20 jours après la mort du pape, ou avant s'ils le décident lors des congrégations générales. Ce sont des réunions précédant le conclave, à l'abri des regards, qui leur permettent d'échanger, de mieux se connaître et de s'accorder sur les priorités du prochain pontificat. Elles doivent se tenir ce mardi 22 avril.
La chapelle Sixtine est ensuite aménagée pour les accueillir, et pour veiller à un isolement strict. Les cardinaux n'ont en effet aucune communication avec le monde extérieur. Ils prêtent serment la main posée sur l'Évangile, et selon un rituel immuable hérité du Moyen-Age, le maître des célébrations prononce la formule "extra omnes" (tous dehors). Les personnes étrangères aux votes quittent les lieux. Les portes sont ensuite fermées. L'élection peut commencer.
Comment les cardinaux votent pour leur candidat
Le conclave est présidé par le doyen du Collège des cardinaux. Par tirage au sort, trois cardinaux sont désignés "scrutateurs", trois "infirmarii" pour recueillir les votes des cardinaux malades et trois "réviseurs" qui vérifient le décompte des bulletins par les scrutateurs. Assis côte à côte sous la fresque monumentale du Jugement dernier peinte par Michel-Ange, les cardinaux reçoivent des bulletins de papier rectangulaires portant en haut l'inscription "Eligo in Summum Pontificem" ("J'élis comme souverain pontife") avec un espace vide en dessous.
Les électeurs écrivent à la main le nom de leur candidat, "d'une écriture non reconnaissable", et plient le bulletin de vote deux fois. En théorie, il est interdit de voter pour soi-même. Chaque cardinal se rend à tour de rôle à l'autel, portant son vote en l'air de manière à ce qu'il soit bien visible, et prononce à haute voix le serment suivant en latin : "Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu".
Il dépose son bulletin sur un plateau et le fait glisser dans l'urne, devant les scrutateurs, s'incline vers l'autel et retourne à sa place. Les cardinaux dont l'état de santé ou l'âge avancé ne leur permet pas de se rendre à l'autel remettent leur vote à un scrutateur, qui le dépose dans l'urne à leur place.
Autant de scrutins que nécessaire
Une fois tous les bulletins recueillis, un scrutateur agite l'urne pour mélanger les bulletins, les transfère dans un deuxième récipient puis un autre en fait le compte. Deux scrutateurs notent les noms, tandis qu'un troisième les lit à haute voix, en perçant les bulletins avec une aiguille à travers le mot "Eligo" et les relie les uns aux autres. Les réviseurs vérifient ensuite que les scrutateurs n'ont commis aucune erreur.
Il faut obtenir les deux tiers des voix pour être élu. Si aucun cardinal ne reçoit autant de votes, les électeurs passent directement à un deuxième tour. Les cardinaux procèdent à quatre scrutins par jour, deux le matin et deux l'après-midi jusqu'à ce qu'un pape soit proclamé. La multiplication des scrutins est chose commune : en 2013, le pape François avait été élu après cinq tours. Pour le pape Pie XI, en 1922, il en a fallu... 14.
Les bulletins des deux scrutins et les notes prises par les cardinaux sont ensuite détruits, brûlés dans un poêle par le camerlingue (cardinal assurant l'intérim entre deux papes). La cheminée, visible par les fidèles depuis la place Saint-Pierre, émet une fumée noire si aucun pape n'a été élu et une fumée blanche en cas d'élection, par ajout de produits chimiques. Après trois journées sans résultat, le scrutin est interrompu pour une journée de prières. Puis d'autres séries de scrutins sont organisées jusqu'à l'élection définitive.
L'annonce aux fidèles de l'"Habemus papam"
Lorsqu'un cardinal reçoit un nombre suffisant de votes en sa faveur, il doit répondre à deux questions du cardinal doyen : "Acceptez-vous votre élection canonique comme Souverain Pontife ? De quel nom voulez-vous être appelé ?" Répondant "oui" à la première, l'élu devient immédiatement pape et évêque de Rome.
Un par un, les cardinaux rendent hommage et marquent leur obédience au nouveau pape. Viennent ensuite l'annonce aux fidèles - "Habemus papam" - par le cardinal protodiacre, puis l'apparition du nouveau pape et sa bénédiction apostolique Urbi et Orbi depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre. C'est lors de cette bénédiction, dimanche pour le jour de Pâques, que les fidèles ont entendu pour la dernière fois la voix du pape François.