Acculé, le Premier ministre britannique Boris Johnson a reconnu mercredi devant les députés sa présence à une fête à Downing Street en plein confinement en 2020 et présenté ses "excuses", sans convaincre l'opposition qui exige sa démission. Sur la sellette après une série de scandales accablants, ce conservateur de 57 ans à la popularité longtemps inoxydable a vécu sa séance hebdomadaire de questions au Parlement la plus difficile depuis son arrivée triomphante au pouvoir en juillet 2019, en sauveur d'un Brexit dans l'impasse.
L'événement en cause, le 20 mai 2020 dans les jardins de sa résidence officielle, a eu lieu à une période traumatisante pour les Britanniques. En pleine première vague de Covid-19, seules deux personnes étaient autorisées à se retrouver à l'extérieur et nombre d'entre eux n'ont pas pu dire adieu à leurs proches mourants. Dans une chambre des Communes surchauffée, Boris Johnson a soutenu avoir alors estimé que la soirée, où auraient été invitées une centaine de personnes avec comme consigne d'apporter à boire, était une réunion de travail.
Il a reconnu qu'il aurait dû conclure que si l'événement pouvait "techniquement" être considéré comme rentrant dans les règles, la perception de "millions" de Britanniques pouvait être tout autre. "Je présente mes excuses du fond du cœur", a-t-il déclaré. Boris Johnson a affirmé assumer la "responsabilité" des "erreurs" qui ont été commises, expliquant dans une intervention aux termes soigneusement pesés qu'il a fait ce soir-là une apparition de 25 minutes dans le jardin, qu'il a décrit comme une "extension des bureaux" alors "constamment" utilisée compte tenu des vertus du grand air contre le virus.
Vers un vote de défiance ?
Accusant le Premier ministre de mensonges, le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer a jugé sa défense "tellement ridicule" qu'elle en est "insultante" pour ses compatriotes. La "seule question" est, selon le chef du Labour, de savoir si les Britanniques ou son parti le "mettront dehors". Ou aura-t-il maintenant la "décence de démissionner ?" a-t-il lancé. Boris Johnson semble ne plus être à l'abri d'un vote de défiance au sein de son parti, dont certaines figures n'hésitent plus à exprimer ouvertement leur exaspération face à l'accumulation des faux pas. Peu probable dans l'immédiat, cette option n'est cependant plus taboue chez les conservateurs, parmi lesquels les noms des ministres des Finances Rishi Sunak ou des Affaires étrangères Liz Truss circulent.
Les indépendantistes écossais du SNP et les libéraux-démocrates ont également demandé son départ. Boris Johnson a quant à lui renvoyé à l'enquête interne menée par la haute-fonctionnaire Sue Gray, dont les conclusions s'annoncent désormais déterminantes sur son destin.
"Incapable de dire la vérité"
Confronté à une série de révélations en fin d'année dernière sur des fêtes organisées dans les cercles du pouvoir au mépris des règles sanitaires pour lutter contre le coronavirus en 2020, Boris Johnson a vu les accusations se resserrer. La chaîne de télévision ITV a révélé lundi soir l'existence d'un mail envoyé à une centaine de personnes par le secrétaire en chef du Premier ministre, Martin Reynolds, le 20 mai 2020. "Apportez vos bouteilles", lançait l'invitation qui appelait à "profiter du beau temps" à l'occasion d'un pot "avec distanciation sociale" dans les jardins de la résidence du chef du gouvernement.
Une trentaine ou une quarantaine de personnes avaient répondu à l'invitation, selon la presse, dont Boris Johnson et sa fiancée Carrie qu'il a épousée peu après. Mais, assure Downing Street, il n'avait pas lu ce mail laissant peu d'ambiguïtés sur le caractère festif de l'événement. Sur Twitter, l'association de proches de victimes du Covid Bereaved Families for Justice a accusé le Premier ministre de prendre les Britanniques "pour des imbéciles en prétendant qu'il ne savait pas que c'était une fête", "il est incapable de dire la vérité et doit partir".
Outre les fêtes, Boris Johnson s'est trouvé fragilisé par des soupçons de mensonges sur le financement de la luxueuse rénovation de son appartement de fonction, d'attribution de contrats entre amis pendant la pandémie ou encore de favoritisme.