C'était une des réponses annoncées à la grave crise de l'immigration qui a frappé l'Europe récemment. Depuis le début de l'année, 1.800 personnes au moins sont mortes en essayant de traverser la mer Méditerranée pour rejoindre les terres européennes. Selon les chiffres d'Eurostat, le nombre de demandeurs d'asile a bondi de 50% en un an en Europe. La France, l'Allemagne, la Suède et l'Italie acceptent à eux seuls les deux tiers des demandeurs d'asile en Union européenne.
Pour faire face au défi pressant de l'immigration, Jean-Claude Juncker, le chef de l'exécutif européen a présenté mercredi son plan pour l'immigration à Bruxelles. Un projet précis qui divise les Vingt-Huit.
Le constat de départ. Avec ses propositions, le but de la Commission européenne est d'éviter les embarquements, secourir les migrants qui ont pris la mer et mieux gérer leur accueil à leur arrivée dans l'Union européenne. Pour l'heure, les Vingt-Huit ne coordonnent pas leurs politiques d'immigration, un domaine qui reste sous la houlette des chancelleries nationales.
La proposition de Bruxelles qui fâche.Il détaille une série d'actions immédiates et des stratégies à plus long terme. La mesure la plus médiatisée concerne les quotas de répartition des demandeurs d'asile. La Commission européenne voudrait une solidarité entre les Vingt-Huit dans l'accueil de ces migrants. Pour l'heure, quatre pays se partagent la majorité des demandes : l'Allemagne, l'Italie, la Suède et la France. "L'Union européenne a besoin d'un système permanent qui permette le partage des demandeurs d'asile", soutient la Commission. En contrepartie, elle insiste sur l'accélération des renvois des migrants non autorisés à rester dans l'UE.
D'après le plan de Juncker, la France devrait accueillir 14,17% des demandeurs d'asile. La correspondante d'Europe 1 à Bruxelles note que Paris proposait à l'origine d'accueillir 700 à 900 Syriens supplémentaires. Avec les propositions de Bruxelles, leur nombre s'élèverait à près de 2.400.
Les autres volets. Parmi les autres propositions de Jean-Claude Juncker : la création d'un centre d'accueil au Niger sur la route empruntée par les migrants sud-sahariens, le renforcement des moyens de surveillance et de sauvetage de migrants en Méditerranée, ou encore la mise en place d'une opération pour combattre les passeurs sur les rives de la mer.
Mission (quasi-)impossible. Le plan de Jean-Claude Juncker n'est pour l'heure qu'à l'état de propositions. Pour le faire adopter, il devra obtenir l'unanimité des vingt-huit pays membres de l'Union européenne, une mission quasi-impossible. La dernière tentative de modifier la politique migratoire a été rejetée par 24 des 28 gouvernements. Mais le président de la Commission veut à nouveau forcer les barrières.
Le Royaume-Uni a déjà ouvertement fait part de son opposition aux idées du président de la Commission. "Les migrants qui tentent de gagner l'Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés", a affirmé la ministre de l'Intérieur, Theresa May. "Je suis en désaccord avec Federica Mogherini (la chef de la diplomatie européenne, ndlr.) quand elle soutient qu'aucun migrant ou réfugié intercepté en mer ne sera renvoyé contre son gré", a-t-elle insisté, ajoutant qu'"une telle approche ne peut qu'encourager plus de gens à risquer leur vie".
Londres n'est pas isolée dans le camp des contestataires. Le Premier ministre conservateur hongrois Viktor Orban s'est insurgé contre les quotas, qu'il a qualifiés de folie. L'Italie, premier pays touché par les arrivées de migrants par bateaux, réclame cette solidarité. La France et l'Allemagne, eux, soutiennent le principe des quotas, sans toutefois se prononcer sur leur caractère obligatoire.
Les Vingt-Huit vont-ils "massacrer" le projet ? Le plan sera discuté par les ministres de l'Intérieur de l'UE le 15 juin, puis soumis aux dirigeants lors du sommet de Bruxelles du 30 juin. Normalement, ils doivent tous se prononcer en sa faveur pour le faire adopter. Mais une autre procédure permet de passer par un vote à la majorité qualifiée. Il serait toutefois politiquement risquer d'imposer une telle politique de cette manière.
Pour autant, une telle redistribution ne pourra être imposée à la Grande-Bretagne, à l'Irlande et au Danemark, ces trois pays n'étant pas soumis à la législation européenne sur l'asile et l'immigration.
"Il est fort probable que (le projet de la Commission] va être massacré, comme l'a été le dernier plan d'action présenté par la Commission européenne en décembre 2013 après un naufrage près de l'île italienne de Lampedusa", prédisent des responsables européens, eux-mêmes pessimistes.
>> Réécoutez l'interview de Carlos Moedas, commissaire européen, sur la question de l'immigration :