Les rumeurs et la défiance envers les personnels de santé ont sans doute retardé la lutte contre l'épidémie Ebola en cours en République démocratique du Congo, selon une étude parue jeudi.
Une défiance qui empêche une prise en charge efficace
Déclarée le 1er août, la dixième épidémie d'Ebola sur le sol congolais a tué plus de 500 personnes pour un millier de cas environ, selon le dernier bilan du ministère congolais de la Santé. Les chercheurs ont interrogé près de 1.000 personnes dans les villes de Beni et Butembo. Seulement un tiers d'entre elles a dit faire confiance aux autorités locales pour les aider pendant l'épidémie, et plus d'un quart ne croit même pas en l'existence d'Ebola. Par ailleurs, 36% des personnes interrogées pensent que la maladie a été créée pour déstabiliser le pays.
Les auteurs de cette étude, publiée dans la revue The Lancet Infectious Diseases, estiment que cette défiance contribue à prolonger l'épidémie. Selon l'auteur principal, Patrick Vinck, de l'université de Harvard, plus d'un tiers des cas d'Ebola est pris en charge au sein même des communautés touchées. "Cela veut dire que ces patients ne sont pas transportés dans un centre spécialisé et que leur cas n'est pas déclaré aux professionnels de santé, ce qui influe directement sur les risques de transmission", a-t-il indiqué.
Un vaccin mal anticipé ?
L'épidémie en cours est la deuxième la plus meurtrière après celle qui a frappé l'Afrique de l'Ouest en 2014-2016 et qui a fait quelque 11.300 morts. De gros moyens ont été consacrés au développement d'un vaccin efficace, mais Patrick Vinck juge qu'on a négligé la façon dont ce vaccin allait être perçu par les populations concernées. Sur l'ensemble des 961 personnes interrogées, 589 (moins des deux-tiers) ont déclaré qu'elles étaient prêtes à accepter le vaccin.
Dans ces conditions, "il est compliqué d'amener les populations à écouter et croire ce qu'on leur dit et à adopter les comportements qu'on recommande", selon Patrick Vinck. Il pointe "un niveau de confiance très, très bas envers les institutions", qui vient selon lui "de décennies de violences et de mauvaise gouvernance".
Le ministère de la Santé a indiqué récemment que 89.000 personnes avaient été vaccinées depuis août, ce qui a selon lui sauvé des milliers de vie. Le vaccin utilisé dans cette épidémie est fabriqué par le groupe pharmaceutique Merck.