Détenu depuis janvier 2021, Alexeï Navalny a "quitté" la colonie pénitentiaire IK-6, où il était emprisonné, selon sa porte-parole Kira Yarmysh. Mais pour aller où ? Une question à laquelle il est bien difficile, à ce stade, d'apporter une réponse. Pour la simple et bonne raison que le principal opposant à Vladimir Poutine, condamné à 19 ans de prison pour extrémisme, n'a pas donné la moindre nouvelle depuis une semaine.
Alexeï Navalny devait être transféré dans une colonie pénitentiaire à "régime spécial", où les prisonniers subissent les conditions de détention les plus rudes du système carcéral russe. Atteindre ces établissements, souvent situés dans des régions très reculées, demande un certain temps, mais cette absence totale de communication autour de son cas interroge et inquiète. La Maison-Blanche, par la voix de John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, s'est dite "très préoccupée" par la situation, provoquant le courroux de Moscou qui a dénoncé ce mardi l'ingérence "inacceptable" de Washington.
Судя по всему, Алексея Навального нет во Владимирской области (с поправкой на то, что верить ФСИН на слово безоговорочно не стоит).
— Leonid Volkov (@leonidvolkov) December 11, 2023
Это значит, что он может быть где угодно.
Что хуже всего — может несколько недель быть на этапе.
Разумеется, то, что это происходит именно сейчас…
"Toute une série de restrictions lui ont été imposées"
L'Union européenne a, de son côté, réitéré sa demande de libération "immédiate" de l'opposant russe. "Les dirigeants politiques russes sont responsables de sa santé et de sa sécurité en prison et ils devront rendre des comptes", a ajouté sur X (ex-Twitter), Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne. Car c'est bien la condition physique d'Alexeï Navalny qui cristallise les craintes. "Il y a déjà des détails et des signaux inquiétants au sujet de Navalny depuis quelques mois. Notamment sur son état de santé, pour lequel il ne bénéficiait pas de traitement. Il n'avait pas eu non plus de visite médicale", souligne Carole Grimaud, analyste géopolitique et spécialiste de la Russie.
Highly worrying news of @Navalny missing for 7 days. Russia’s political leadership is responsible for his safety & health in prison for which they will be held to account
— Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) December 12, 2023
The EU reiterates its call for his immediate &unconditional release from
politically motivated incarceration
Autant de droits fondamentaux qui lui ont progressivement été confisqués. "Ensuite, ses avocats n'ont pas pu le voir pendant quelques jours. Même chose pour ses proches. Il y a eu toute une série de restrictions qui lui ont été imposées pour le couper, petit à petit, du monde extérieur", ajoute la chercheuse. Un durcissement des conditions de détention, à mettre en parallèle avec l'annonce de la candidature de Vladimir Poutine à l'élection présidentielle du 17 mars. Le maître du Kremlin y briguera un cinquième mandat.
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Néanmoins, y compris dans ce contexte pré-électoral, un tel acharnement a de quoi surprendre dans la mesure où Alexeï Navalny se trouve d'ores et déjà derrière les barreaux. Selon Carole Grimaud, l'emprisonnement de l'opposant n'entravait pas nécessairement son influence. "Même quand il était en détention, il était toujours actif et continuait, par l'intermédiaire de ses proches, à être présent sur les réseaux. Il communiquait avec ses sympathisants et continuait de bénéficier d'un poids et d'une voix en Russie". Ce faisant, le risque d'une "héroïsation de Navalny au sein de la population russe" est pris très au sérieux par Vladimir Poutine, assure Carole Grimaud. D'où la nécessité, pour le Kremlin, de le réduire durablement au silence, "de l'effacer physiquement", de sorte qu'aucune référence à Alexeï Navalny ne soit possible pour les oppositions et qu'il ne fasse plus partie du paysage politique du pays.
"Victime de disparition forcée"
Toutefois, assure Carole Grimaud, établir des preuves de l'implication directe du Kremlin, dans le cas où un drame se produirait autour d'Alexeï Navalny, n'aura rien d'évident. La chercheuse en veut pour preuve l'empoisonnement de l'opposant russe en août 2020. Il y a trois ans, Navalny avait été plongé dans le coma, puis sous assistance respiratoire après un malaise survenu lors de son arrivée à l'aéroport de Moscou. Des prélèvements réalisés en Allemagne, où il fut transféré, avaient, selon Berlin, révélé la présence, dans le corps de Navalny, de novitchok, un puissant neurotoxique élaboré par l'URSS, à des fins militaires. "On se doute bien que c'est un coup des services secrets russes. Il y avait eu des éléments mais, en aucun cas, la responsabilité directe de Vladimir Poutine", conclut Carole Grimaud.
Une opacité qui n'augure rien d'encourageant concernant l'avenir, et même le présent, d'Alexeï Navalny. Selon Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe de l’Est et Asie centrale d’Amnesty International, l'opposant peut même être considéré "comme une victime de disparition forcée". "Le Kremlin ne recule devant rien pour écraser ses détracteurs", ajoute-t-il dans un communiqué.