Les médias philippins ont dit leur indignation mercredi face aux propos du président élu Rodrigo Duterte qui a jugé légitime d'assassiner les journalistes corrompus, estimant qu'il s'agissait d'un appel au meurtre.
Les journalistes "pas exemptés". L'avocat controversé de 71 ans a remporté en mai l'élection présidentielle après une campagne outrancière durant laquelle il a promis d'éradiquer la criminalité en faisant tuer des dizaines de milliers de criminels. Mardi, il a jugé que les meurtres de journalistes coupables de corruption pouvaient se justifier. "Ce n'est pas parce que vous êtes journaliste que vous êtes exempté d'assassinat, si vous êtes un fils de p...", a-t-il déclaré comme on lui demandait ce qu'il comptait faire face aux meurtres de journalistes, après l'assassinat d'un reporter à Manille la semaine dernière.
Un appel au meurtre. L'Union nationale des journalistes des Philippines s'est dite "consternée". Elle a reconnu l'existence de problèmes de corruption parmi les médias de l'archipel mais qui ne peuvent justifier le meurtre. "De fait, il a déclaré la chasse ouverte, pour faire taire la presse, à la fois les journalistes individuels comme les institutions, sur la base d'une simple perception de la corruption", a déclaré la NUJP dans un communiqué. Les Philippines sont l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes. Depuis la fin de la dictature de Ferdinand Marcos il y a 30 ans, et l'avènement d'une démocratie chaotique, minée par la corruption, 176 journalistes ont été assassinés.
Les journalistes corrompus responsables. Mardi soir, en annonçant la composition de son gouvernement, le président élu a laissé entendre que ces victimes étaient en majorité partiellement responsables de ce qui leur était arrivé. "La plupart de ceux qui ont été tués, pour être franc, ont fait quelque chose. Si on ne fait rien de mal, on n'est pas tué", a dit Rodrigo Duterte, qui prend ses fonctions le 30 juin. Pour Luis Teodoro, directeur adjoint du Centre pour la liberté et la responsabilité des médias, ces propos sont "affligeants". Ils sont également un feu vert pour tuer dans certaines conditions, a-t-il dit. "Quand on dit que les journalistes corrompus peuvent être tués, c'est un message très clair".
"Il le méritait". Rodrigo Duterte a évoqué le meurtre toujours non élucidé de Jun Pala, journaliste et homme politique tué à Davao en 2003. C'était un opposant virulent à Rodrigo Duterte, qui a régné sur Davao en tant que maire pendant près de 20 ans et est accusé d'avoir partie liée à des escadrons de la mort. "Je ne veux pas porter atteinte à sa mémoire mais c'était un fils de p... pourri. Il le méritait", a-t-il affirmé. En 2009, 32 journalistes figuraient parmi un groupe de 57 personnes abattues lors d'une tuerie attribuée à un clan familial qui voulait empêcher l'élection d'un rival, l'une des attaques les plus meurtrières contre des médias dans le monde.