"Les enjeux sont très élevés et le temps est court", a averti le président du Conseil européen, Donald Tusk, dans sa lettre d'invitation aux dirigeants des 28. Lors du Conseil qui s'ouvre jeudi à Bruxelles, les leaders européens vont en effet devoir surmonter leurs divisions quant à la question des migrants pour espérer pouvoir trouver des solutions, car c'est l'Europe elle-même qui menace désormais de se briser contre ce casse-tête.
Une discorde nourrie par l'obstination des populismes
Des opinions publiques chauffées à blanc. Les diplomates de Bruxelles en ont vu d'autres, mais ils reconnaissent volontiers que l'Europe fait face à une crise politique majeure. "C'est bien pire que la Grèce ou que la vague migratoire de 2015, parce que là il fallait mettre en place des instruments pour résoudre une difficulté concrète, cette fois c'est bien plus compliqué", explique l'un d'eux à Europe 1. Plus compliqué car s'il n'y a plus que quelques dizaines de milliers d'arrivées annuelles via la Méditerranée - contre un million en 2015 -, les opinions publiques n'ont jamais été aussi inquiètes et les partis populistes, portés par les suffrages dans de nombreux pays, font monter les enchères.
Dissonances à 28 voix. D'un côté, les pays de l'Est refusent d'accueillir, de l'autre Rome exige plus de solidarité. En Allemagne, les Bavarois demandent une fermeture de la frontière avec l'Autriche si d'ici lundi Angela Merkel ne convainc pas Vienne de garder ses migrants. Quant à l'Autriche, elle prépare sa police à refouler des migrants à la frontière avec la Slovénie. Pour que l'Union fonctionne, il faut des compromis et de la confiance, mais personne ne veut lâcher du lest le premier. Jusqu'ici, les 28 se sont donc regardés en chien de faïence, tandis que l'avenir du projet européen se craquelle.
Quelles pistes pour s'entendre ?
Agir ponctuellement. À défaut de mettre en place une ligne de conduite commune, les pays européens pourraient toutefois s'entendre sur une réponse en trois temps, faisant la part belle au cas par cas selon les situations, comme l'ont laissé entendre Emmanuel Macron et Angela Merkel à l'issue d'un mini-sommet préparatoire le 24 juin. À court terme d'abord, il s'agirait de mettre en place des solutions au coup par coup pour les bateaux qui errent encore en Méditerranée : un pays ouvrira un port et d'autres se porteront volontaires pour envoyer des équipes accueillir les passagers, à l'image de ce qui s'est passé pour l'Aquarius et le Lifeline.
Accueillir... et effectuer un tri. À moyen terme, l'idée est de pérenniser ce système et de mieux l'organiser via des hotspots, c'est-à-dire des centres fermés installés dans les ports. La France a défendu cette idée, soutenue par les autres pays méditerranéens de l'UE, y compris l'Italie, mais à condition qu'elle ne soit pas obligée de garder les migrants sur son sol. Avec ce dispositif, on imagine une prise en charge plus rapide des réfugiés et une reconduite des migrants économiques vers leur pays d'origine par l'agence Frontex.
Couper les routes de l'immigration illégale. Enfin, à plus long terme, l'objectif serait d'agir directement sur la rive sud de la Méditerranée pour que les migrants ne franchissent plus la mer. L'accord conclu avec la Turquie il y a trois ans pourrait servir de modèle. Il faudra donc s'entendre avec la Libye, la Tunisie et le Maroc, étudier les différentes modalités, et s'assurer qu'elles respectent le droit international. Bref, un travail de longue haleine mais une solution qui pourrait enfin mettre d'accord une grande partie de l'Europe.