Syrie : de l'attaque chimique présumée aux frappes américaines, le film des évènements

Mardi, un raid aérien mené par le régime syrien a fait au moins 86 morts, dont 27 enfants, et plus de 160 blessés, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.
Mardi, un raid aérien mené par le régime syrien a fait au moins 86 morts, dont 27 enfants, et plus de 160 blessés, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. © AFP
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avec AFP
L'attaque chimique présumée imputée à l'armée syrienne mardi a mené les États-Unis, deux jours plus tard, a lancé leur première opération militaire contre le régime syrien.

Après la parole, les actes. Les États-Unis ont bombardé jeudi soir une base aérienne en Syrie, en riposte à une attaque chimique présumée imputée au "dictateur Bachar al-Assad", le président américain exhortant les "nations civilisées" à faire cesser le carnage. Alors que l'ONU se réunissait d'urgence vendredi pour débattre de cette frappe punitive, Europe1.fr revient sur les principaux évènements de la semaine en Syrie.

Acte I : l'attaque

Mardi 4 avril, un raid aérien frappe Khan Cheikhoun, une petite ville contrôlée par des rebelles et des djihadistes dans la province d'Idleb, dans le nord-ouest du pays. Il fait au moins 86 morts, dont 27 enfants, et plus de 160 blessés, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme.

Ce raid est, selon l'OSDH, la deuxième "attaque chimique" la plus meurtrière depuis le début du conflit après celle au gaz sarin qui avait fait plus de 1.400 morts dans la banlieue de Damas en 2013. Selon des médecins sur place, les symptômes relevés sur les patients sont similaires à ceux constatés sur des victimes d'une attaque chimique, notamment avec des pupilles dilatées, des convulsions et de la mousse sortant de la bouche.

L'opposition accuse le régime de Bachar al-Assad d'avoir perpétré cette attaque, avec des "obus" contenant du "gaz toxique". L'armée dément "catégoriquement" "avoir utilisé toute substance chimique ou toxique".

L'attaque soulève une vague d'indignation internationale, plusieurs pays occidentaux mettant en cause le régime d'Assad. Le président français François Hollande évoque "la responsabilité" d'Assad dans ce "massacre". Donald Trump se contente d'un communiqué tardif, pour condamner une attaque "répréhensible" qui "ne peut être ignorée par le monde civilisé", sans présenter aucune stratégie. Ce flottement de l'administration Trump suscite l'ire d'élus républicains du Congrès, John McCain en tête, qui dénonce le "retrait des États-Unis" et "un nouveau chapitre honteux de l'histoire américaine".

Acte II : les accusations

Le lendemain, la Russie vole au secours du régime de Damas, le ministère de la Défense affirmant que l'aviation syrienne avait frappé "près de Khan Cheikhoun un grand entrepôt terroriste" qui abritait "un atelier de fabrication de bombes, avec des substances toxiques".

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) précise que certaines victimes présentaient des symptômes évoquant une exposition à une catégorie de produits chimiques "comprenant des agents neurotoxiques". Médecins sans frontières (MSF) évoque "un agent neurotoxique de type gaz sarin".

"Toutes les preuves que j'ai vues suggèrent que c'était le régime d'Assad (...) utilisant des armes illégales en toute connaissance de cause sur son propre peuple", déclare le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson. Le président turc Recep Tayyip Erdogan qualifie lui Assad d'"assassin" en lui imputant l'attaque.

Côté américain, le ton change. Donald Trump affirme que les images insoutenables de victimes agonisantes ont eu "un énorme impact" sur lui et que son "attitude vis-à-vis de la Syrie et d'Assad a nettement changé". Le président américain laisse filtrer son émotion, au cours d'une conférence de presse à la Maison-Blanche, évoquant "les petits enfants et même de beaux petits bébés" qui ont péri. "Ces actes odieux par le régime d'Assad ne peuvent pas être tolérés", martèle-t-il, menaçant pour la première fois de passer à l'action.

Acte III : l'impasse diplomatique

Jeudi, Moscou affirme que Washington ne dispose pas d'information "objective", "fiable" et "réaliste". Vladimir Poutine juge "inacceptable" d'accuser sans preuve le régime. Le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem affirme que l'armée "n'a pas utilisé et n'utilisera jamais" des armes chimiques contre son propre peuple, "pas même contre les terroristes".

L'autopsie en Turquie des corps de trois victimes "établit" pourtant un recours à des armes chimiques utilisées par le régime, selon le ministre turc de la Justice. Le ministre israélien de la Défense Avigdor Lieberman dit lui être sûr "à 100%" qu'Assad a ordonné directement l'attaque.

Les négociations au Conseil de sécurité sur une résolution pour condamner et lancer une enquête sur l'attaque chimique de Khan Cheikhoun s'achèvent sur une impasse. La Russie refuse d'exposer son allié syrien à une enquête mandatée par l'ONU.

Brandissant deux photos d'enfants tués dans l'attaque, l'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley laisse présager d'une possible action unilatérale. "Quand les Nations unies échouent constamment dans leur mission d'action collective, il y a des moments dans la vie des États où nous sommes obligés d'agir nous-mêmes", dit-elle devant le Conseil de sécurité.

Depuis l'avion présidentiel Air Force One qui le mène en Floride, Donald Trump évoque l'imminence d'une action militaire. "Ce qui s'est passé en Syrie est une honte pour l'humanité (...) donc je pense que quelque chose devrait se passer", confie-t-il, sans plus de précisions.

Acte IV : la frappe punitive

Quelques heures plus tard, vers 03h40 locale (00h40 heure française), 59 missiles de croisière Tomahawk sont tirés par deux navires américains en Méditerranée vers la base aérienne d'Al-Chaayrate, située près de la ville centrale de Homs. Depuis sa résidence de Floride, visage grave, Donald Trump appelle toutes les "nations civilisées" à œuvrer pour faire cesser le bain de sang en Syrie, peu après avoir ordonné cette frappe punitive, la première des États-Unis contre le régime de Bachar al-Assad.

La présidence syrienne qualifie les frappes d'acte "irresponsable" et "idiot". Son allié russe dénonce les frappes comme une "agression contre un État souverain" et suspend l'accord avec Washington sur la prévention d'incidents aériens. L'Iran, autre allié de Damas, dénonce l'utilisation par Washington de "fausses allégations" sur les armes chimiques.

La Turquie, au contraire, salue les frappes tout en les jugeant insuffisantes et en appelant à des mesures supplémentaires. François Hollande, lui, estime que la "réponse" des États-Unis doit "maintenant être poursuivie au niveau international, dans le cadre des Nations Unies si c'est possible". À la demande de Moscou, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réunit en urgence vendredi.