Les appréhensions américaines sur l'initiative de défense européenne et les tensions entre les États-Unis et la Turquie en Syrie jettent une ombre sur la réunion ministérielle de l'Otan mercredi et jeudi à Bruxelles, risquant de mettre à l'épreuve l'unité de l'Alliance.
L'UE et l'Otan ne doivent pas "entrer en concurrence". Le secrétaire général de l'Alliance, le Norvégien Jens Stoltenberg, s'est fait mardi l'écho des préoccupations américaines et a rappelé aux alliés européens les limites de leur initiative de défense. "L'UE ne doit pas se substituer à ce que fait l'Otan" et elle ne doit pas fermer ses marchés de Défense aux Américains et aux autres pays non membres de l'UE, a-t-il averti à la veille d'une réunion des ministres de la Défence de l'Alliance.
"Cela n'aurait aucun sens pour l'UE et l'Otan d'entrer en concurrence", a insisté Jens Stoltenberg. Le message se voulait une réponse aux inquiétudes exprimées par la délégation américaine dirigée par le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis.
"Il y a une complémentarité avec l'Otan". "Nous soutenons l'initiative européenne, à condition qu'elle soit complémentaire et n'enlève pas des activités et des besoins de l'Otan", a déclaré dimanche à des journalistes Katie Wheelbarger, chargée de la sécurité internationale au ministère américain de la Défense. "Nous ne voulons pas que l'UE enlève des moyens à l'Otan", a-t-elle répété.
Certains Européens ont été surpris, sinon agacés, par ce ton offensif. "Il a une vraie volonté de travailler ensemble et de le faire en confiance", a assuré un diplomate européen à Bruxelles. "Il y a une complémentarité avec l'Otan. Les Européens n'ont aucune intention de duplication inutile ou d'acquisitions de capacités inutiles", a-t-il ajouté.
Des appels au dialogue européen. La défiance des Américains a suscité des appels au dialogue côté européen. "Si Washington nommait un ambassadeur auprès de l'UE, ce qui n'a pas été fait depuis un an, il serait plus facile d'expliquer ce que font les Européens", a déploré un des diplomates européens en reconnaissant un "besoin de dialogue". Le dîner de travail mercredi soir sera consacré à l'initiative européenne et devrait permettre de calmer le jeu.
De réelles tensions entre la Turquie et les États-Unis. En revanche, les frictions entre Washington et Ankara pourraient menacer l'unité de l'Otan. L'opération militaire turque dans le nord de la Syrie contre des forces kurdes alliées à Washington a affaibli le combat contre l'organisation État islamique (EI), a déploré mardi le secrétaire d'État américain Rex Tillerson.
La Turquie a lancé le 20 janvier l'opération "Rameau d'olivier" contre les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde considérée comme "terroriste" par Ankara mais alliée aux Etats-Unis dans la lutte contre les djihadistes de l'EI en Syrie. "C'est un sujet de préoccupation pour l'Otan, mais il ne sera pas résolu au sein de l'Otan", a-t-on affirmé de source diplomatique à Bruxelles. "La question sera réglée de manière bilatérale, entre les Etats-Unis et la Turquie", a-t-on estimé de même source.