Les fêtes de Noël pourraient avoir un goût amer pour Canal+. Selon les informations d'Europe1.fr, le Conseil d'Etat pourrait bientôt annuler le rachat de Direct 8 et Direct Star par la chaîne cryptée, qui avait eu lieu en 2012. C'est en tout cas ce qu'a recommandé le rapporteur public de la plus haute juridiction administrative, dont les conclusions sont en général suivies par les Sages. En cause : les conditions demandées au groupe Canal+ pour assurer une concurrence non faussée, que TF1 et M6 ne jugent pas assez strictes.
Rappel des faits : un rachat sous conditions. En 2011, Canal+ annonce qu'il va racheter à Vincent Bolloré les chaînes de la TNT Direct 8 et Direct Star. Une opération examinée de près à l'époque par l'Autorité de la concurrence, vu les enjeux. Canal+ pourrait en effet faire profiter ces chaînes gratuites, renommées D8 et D17, de ses puissants partenariats en termes de droits audiovisuels, notamment pour les séries et films américains.
En juillet 2012, l'Autorité de la concurrence donne finalement son feu vert à ce rachat, tout en posant plusieurs conditions. Ainsi, D8 ne peut passer un accord sur les droits des films qu'avec une seule major d'Hollywood. Autre limitation : D8 et D17 ne peuvent diffuser que vingt films français inédits par an, et seuls deux films à très gros budget (plus de 15 millions d'euros). Dans la foulée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) approuve lui aussi ce rachat.
TF1 et M6 contestent. Mais en novembre 2012, TF1 et M6 déposent un recours devant le Conseil d'Etat pour contester ces autorisations. Les deux chaînes privées, qui craignent que Canal+ ne marche sur leurs plates-bandes en étendant sa force de frappe à la télévision gratuite, estiment que les conditions imposées au groupe ne sont pas assez strictes.
Vers une annulation totale ? Selon nos informations, le rapporteur public, chargé de guider la décision du Conseil d'Etat, est allé dans le sens de TF1 et M6 en recommandant vendredi l'annulation totale de l'opération. Les "mesures correctives" prévues par l'Autorité de la concurrence lui paraissent "insuffisantes", notamment concernant la diffusion en clair de séries et films américains, ainsi que de films français inédits.
Le rapporteur public signale également un "vice de forme" dans la prise de décision de l'Autorité de la concurrence : celle-ci aurait dû se réunir collégialement, ce qui n'a pas été le cas. Toutefois, le rapporteur public, dont l'avis est très souvent suivi par le Conseil d'Etat, préconise une modulation de l'annulation en différant son effet au 1er juillet 2014.
Un coup dur en vue pour Canal +. Le Conseil d'Etat rendra sa décision prochainement. Suivra-t-il l'avis du rapporteur public ? Du côté des avocats de TF1, on se montre très confiant. "C'est l'Assemblée du contentieux, la plus haute formation de jugement du Conseil d'Etat, qui va statuer", souligne-t-on pour marquer l'importance accordée à l'affaire par les Sages.
Concrètement, si le rachat de Direct 8 est annulé, Canal+ devrait probablement présenter un nouveau projet de reprise et se soumettre à des obligations plus strictes que celles auxquelles il devait se conformer jusqu'à présent. Dans tous les cas, cette décision serait un coup dur pour le groupe présidé par Bertrand Meheut (photo), qui comptait sur cette incursion dans la télévision gratuite pour se diversifier et renforcer sa présence dans le paysage audiovisuel.