Filtre anti-arnaques, luttes contre le cyberharcèlement ou l'accès des mineurs au porno: voici les principales mesures prévues par le gouvernement pour "sécuriser et réguler" internet.
Un déploiement du projet d'ici la fin de l'année
Le texte, qui transcrit également en droit français la nouvelle réglementation européenne sur le numérique, doit être présenté mercredi en Conseil des ministres, et débuter son parcours parlementaire avant l'été par un débat au Sénat.
"Qui n'a jamais reçu un SMS tentant de vous extorquer des informations pour accéder à votre compte personnel de formation ou à l'assurance maladie ?" Le ministre délégué au numérique Jean-Noël Barrot souhaite mettre en œuvre la promesse d'Emmanuel Macron d'un filtre anti-arnaques gratuit adressant un message d'avertissement à toute personne qui s'apprête à se diriger vers un site identifié comme malveillant.
"Les plus fragiles, les plus éloignés du numérique sont souvent les principales victimes de ces pirates", déplore le ministre auprès de l'AFP. La mesure passera par l'établissement d'une liste de ces sites frauduleux et des accords avec "les opérateurs d'accès à internet et les éditeurs de navigateurs" web, a-t-il expliqué. Des "voies de recours" seront également prévues pour retirer un site de la liste en cas d'abus.
Si le texte est adopté, le gouvernement prévoit un déploiement d'ici la fin de l'année du projet, qui sera "enrichi progressivement avant les Jeux Olympiques" de Paris à l'été 2024.
Bannissement des cyberharceleurs
Le règlement européen sur les services numériques (DSA) transcrit dans le projet de loi comporte déjà des mesures visant à endiguer le cyberharcèlement sur les grandes plateformes numériques, en contraignant celles-ci à retirer les comptes qui leur sont signalés.
Mais le gouvernement souhaite aller plus loin et accompagner cette mesure d'une peine de bannissement. Concrètement, le juge pourra demander à un réseau social d'empêcher pendant une période de six mois, un an en cas de récidive, la réinscription d'une personne déjà condamnée pour cyberharcèlement.
"Il faut faire cesser le sentiment d'impunité en ligne", a expliqué Jean-Noël Barrot. "Une minorité d'internautes se comportent comme des incendiaires et organisent des raids dont les victimes sont bien souvent des femmes", a-t-il continué. Même s'il reste contournable, le bannissement "les privera de leur caisse de résonance, les frappera là où ça fait mal".
Blocage administratif des sites pornos
Le gouvernement va confier à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) le pouvoir d'ordonner, sans le concours d'un juge, le blocage par les opérateurs télécom et le déréférencement des sites pornographiques qui n'empêchent pas les mineurs d'accéder à leur contenu, a expliqué le ministre.
"Il est prévu dans le texte que l'Arcom publie des lignes directrices" pour définir les contours d'un système de vérification d'âge qui fait aujourd'hui défaut, a précisé M. Barrot. Une expérimentation technique en ce sens est d'ailleurs en cours.
Le gouvernement reprend ainsi une mesure proposée par quatre sénatrices dans un rapport récent sur les dérives de cette industrie. Des agents de l'Arcom pourront également être assermentés pour constater des infractions.
Blocage des médias de propagande
Le texte donne aussi à l'Arcom le pouvoir de faire cesser la diffusion sur internet de médias frappés d'interdiction dans l'Union européenne.
La mesure vise particulièrement les sites de streaming non européens comme Odysee ou Rumble, qui avaient diffusé les chaînes pro-russe Russia Today et Sputnik malgré leur interdiction dans l'UE dans le cadre des sanctions prises après l'invasion de l'Ukraine. A la demande du ministre, Odysee avait stoppé la diffusion des chaînes et Rumble avait fermé son service aux internautes français.
Interopérabilité du cloud
Mesure plus économique et "inspirée des travaux de parlementaires", le gouvernement souhaite permettre aux entreprises de "changer beaucoup plus facilement" de fournisseur d'infrastructure et de services informatiques, également appelés les opérateurs cloud.
Le secteur est dominé par les acteurs américains AWS (filiale d'Amazon), Microsoft Azure et Google Cloud. Le texte prévoit notamment de permettre une "portabilité" des données entre les services de ces différentes entreprises et limite l'utilisation des "crédits cloud", des bons d'achat gratuits aujourd'hui utilisés par les acteurs pour fidéliser leur clientèle.