Qui, en France, ne connaît pas Hénin-Beaumont ? Personne. Et qui, en France, connaît le maire de cette ville du Nord briguée par le Front national ? On les compte sur les doigts d'une main. Là est le paradoxe d’une commune devenue, par le jeu médiatique, un enjeu majeur des prochaines élections municipales. Le maire sortant, Eugène Binaisse (divers gauche, investi par le PS), a choisi la discrétion pour sa campagne. Mais est-ce vraiment un (bon) choix ?
"Je ne suis pas seul, des gens m’entourent"
Eugène Binaisse est en poste depuis mai 2010. Et à 74 ans, il compte bien rempiler pour six ans. Mais cet ancien principal de collège à la retraite aura fort à faire pour conserver son fauteuil. Face à lui, le Front national bombe le torse, et le sondage exclusif d’Europe 1, révélé mardi, ne va pas doucher leur optimisme. Eugène Binaisse n’en a cure et continue son petit bonhomme de chemin électoral, lui qui n’est officiellement candidat que depuis cinq jours. "Si être politique, c’est manier les ficelles de la rouerie, à ce moment-là, je ne suis pas un politique", s’amusait-il lors de l’annonce de sa candidature. Oui, Eugène Binaisse est différent. Non, il ne court pas après les caméras. "Pour vivre heureux, vivons cachés !", s’amuse-t-il.
Pour Stephen Bunard, coach en communication contacté par Europe1.fr, cette discrétion du maire sortant n’est "pas si illogique que cela. C’est Le Pen qui a jeté son dévolu sur sa commune pour des raisons stratégiques, lui n’avait aucune raison de faire du bruit pour se faire connaître". En revanche, pour Jean-Luc Mano, spécialiste de la communication politique, "être dans l’ombre de Le Pen n’est jamais bon pour personne". Son astuce : "je ne lui conseille pas de nationaliser le débat. Faire venir un défilé de ministres serait suicidaire ! Aller sur France 2 aussi !", estime Jean-Luc Mano. Qui voit toutefois une exception à cette règle : "faire venir Valls (photo ci-dessus), le ministre le plus populaire et celui qui plaît le plus à droite, pour parler sécurité - un thème important dans cette ville -, c’était malin." Eugène Binasse confirme en avoir fait lui-même la demande, "et le 8 janvier, le ministre m’a répondu :’avec plaisir’". Et ajoute qu’une demande a également été formulée par ses alliés écologistes auprès de Cécile Duflot, "qui pourrait venir en mars".
"Il faut se débrouiller seul dans une commune !"
De là à dire qu’Eugène Binaisse se complait dans cette discrétion médiatique, il y a un pas qu’il refuse de franchir. "Je ne suis pas seul, des gens m’entourent, des élus départementaux et régionaux aussi", assure ce membre de la Communauté d’agglomération. Sa solitude apparente "ne le dérange pas du tout". "Mais e ne me cache pas, j’assume mes missions, je commence à être un homme visible", se défend-il. Lui invoque un travail de fond, suffisant selon lui pour convaincre les électeurs : "la différence entre Briois (la candidat du FN, Ndlr) et moi, c’est que lui passe son temps à faire campagne car il n’a rien d’autres à faire. Moi, je travaille, et depuis que je suis en poste, j’ai résorbé 12 millions d’euros de déficits et neuf millions de factures impayées. Les gens savent…"
Au delà de ce bilan personnel, Jean-Luc Mano lui conseille d’insister et de "rappeler notamment les quelques expériences malheureuses du FN au niveau de la gestion des mairies". Eugène Binaisse, têtu, ne veut rien entendre. Sa campagne, il la mène à sa façon car "il ne faut pas confondre lutte nationale et élection locale". Et de toute façon, "il faut se débrouiller seul dans une commune !" Steeve Briois est prévenu. "Moi, je suis suffisamment vaillant pour me défendre seul !", conclut Eugène Binaisse.
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