"Je ne suis pas un gentil", répète-t-il à l’envi. Manque d’autorité, manque de charisme, manque de poigne… Jean-Marc Ayrault est très affecté par les critiques qui fleurissent à son sujet, ainsi que celles qui touchent ses plus proches collaborateurs. Le Premier ministre est pourtant capable de faire montre d’autorité. Claude Bartolone et Harlem Désir sont sceptiques sur l’objectif de 3% de déficit en 2013 ? "Vous vous trompez", assène-t-il. Sur la question du traité européen, il a également eu l’occasion de montrer les muscles. Longtemps, les socialistes ont craint de ne pas posséder seuls la majorité absolue. Alors Jean-Marc Ayrault a fermement recadré certains membres de son gouvernement, selon les informations recueillies par Europe 1.
Duflot a été convoquée. Cécile Duflot d’abord. Pendant tout un week-end, après le vote du conseil fédéral des Verts s’opposant à la ratification du Traité européen, la ministre (écologiste) du Logement avait décidé de se murer dans le silence. Tout juste avait-elle posté, sur Twitter, une photo… du "chili con carne" qu’elle était en train de cuisiner. Et ça n’a pas plu au Premier ministre. "Ce tweet, c’était grotesque", s’est emporté Jean-Marc Ayrault selon son entourage.
Alors le chef du gouvernement a convoqué sa ministre. "Cécile, si tu ne dis pas que tu es solidaire du gouvernement, tu ne peux pas rester", lui a-t-il signifié, avant de lui glisser un conseil avant son passage au 20 heures de France 2 : "quand on ne sait pas quoi dire, on fait de la langue de bois". Message reçu par la ministre qui a expliqué quelques minutes plus tard qu'"être ministre, ça veut dire s'appliquer un principe de solidarité avec les autres membres du gouvernement (...) C'est normal et naturel".
Hamon sous pression. Benoît Hamon, pas non plus franchement enthousiaste sur le traité européen, a lui aussi subi les foudres de Jean-Marc Ayrault, racontent ses proches. Le ministre délégué à l’Economie sociale, classé à gauche du PS, et dont nombre de proches se sont opposés à la ratification, serait même passé tout près de la porte. "Si ton suppléant vote contre, tu démissionnes", l’a menacé Jean-Marc Ayrault. Ledit suppléant, Jean-Philippe Mallé, s’est finalement abstenu.
"S’il manque trois voix, ce sera de ta faute"
Mais la pression ne s’est pas arrêtée là. Le Premier ministre a envoyé des messages à son ministre jusqu’à quelques minutes avant le vote. "S’il manque trois voix, ce sera de ta faute", lui a-t-il fait comprendre en substance. Benoît Hamon avait aussi un message à transmettre. "Ceux qui vont voter 'non' prennent une responsabilité énorme. Ça va être difficile de leur pardonner", a prévenu Jean-Marc Ayrault.
Guedj et Hammadi voulaient "sortir de l’anonymat". Le chef du gouvernement a encore reproché à Georges-Pau Langevin, ministre déléguée à la Réussite éducative, "de n’avoir aucune influence sur son suppléant", Fanélie Carrey-Conte en l’occurrence.
Quant au suppléant de François Lamy, ministre délégué à la Ville, il s’agissait tout simplement de Jérôme Guedj, l’un des "nonistes" socialistes les plus actifs. "Tout ça, c’est les copains de l’Essonne", s’est agacé Jean-Marc Ayrault. Guedj partageait ce rôle avec Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis. "Pour eux, c’était l’occasion de sortir de l’anonymat", estime-t-il
Placé, le "cynique". Enfin, Jean-Marc Ayrault a glissé un petit tacle à Jean-Vincent Placé, numéro deux des Verts, qui a occupé la scène médiatique pour expliquer la décision de son mouvement. "S’il avait été ministre, il aurait défendu le traité avec la même véhémence qu’il l’a combattu", a estimé le Premier ministre, selon son entourage. "C’est un cynique. Il a décidé de conquérir les Verts par la gauche".