C'est l'histoire d'un homme né à Neuilly, devenu militant trotskiste avant de s'imposer comme un cadre du parti socialiste… et de le diriger ? Sauf surprise de dernière minute, Jean-Christophe Cambadélis remplacera en effet Harlem désir à la tête du principal parti de gauche. L'ancien patron de SOS Racisme, qui a été nommé secrétaire d’État aux Affaires européennes, a "proposé" son nom devant l'exécutif du Parti socialiste, en accord avec le numéro 2 du parti, Guillaume Bachelay. "Camba" devrait ainsi être officiellement désigné mardi prochain.
Celui qui a, aussi, été le bras droit de Dominique Strauss Kahn aura pour mission de donner un nouveau souffle au PS, après la déroute des municipales. Portrait d'un socialiste de 62 ans qui a toujours été influent mais (presque) jamais leader, et qui n'hésite pas à lancer ses piques, même contre son propre camp.
Sa personnalité : "un homme de coups". Jean-Christophe Cambadélis est perçu, au sein du PS, comme une personnalité habile et fin manœuvrier. "Sa grande force est qu'il est capable de penser le récit de ce que l'on veut réaliser. Il pense le monde de façon globale", glisse un parlementaire socialiste qui le connaît bien. "Cambadélis est quelqu'un qui aime la politique et qui en fait", poursuit un ex-strauss-kahnien. "C'est un homme de coups", résumait encore récemment une élue socialiste l'ayant connu du temps de leurs études.
Ses racines : du trotskisme à l'Unef. Jean-Christophe Cambadélis est né à Neuilly, dans les Hauts-de-Seine, ville de droite depuis toujours, d'une mère fonctionnaire à la Banque de France, originaire d'Europe du nord, et d'un père patron de boîtes de nuit d'origine gréco-turque. Gaucher, dyslexique et dysorthographique, il "compense sa difficulté de lire et d’écrire par l’imagination, la synthèse, l’expression corporelle et théâtrale", écrit de lui le Nouvel économiste. Son âme d'homme de gauche se forge dès les années 60, après les assassinats de John-Fitzgerald Kennedy et Martin Luther King.
Dès 1971, il adhère à l'Alliance des jeunes pour le socialisme, une organisation trotskiste lambertiste. En 1976, "Camba" devint président de l'Unef-ID, le principal syndicat étudiant de gauche, puis il prend la tête de l'Unef réunifiée en 1980. À l'époque, il entre dans la lumière et rencontre tous les dirigeants du PS. Il prononce même un discours avec eux, place de la Bastille, lors de la victoire de François Mitterrand.
Son passage au PS : une ascension fulgurante. Il entre définitivement au PS en 1986, emmenant avec lui ribambelle de trotskistes, ce qui lui assurera une ascension fulgurante. Elu député de Paris en 1988, il gravit ensuite les échelons de la hiérarchie de Solferino, devient membre du Conseil national, le "parlement" du parti en 1993, et du Bureau national, son instance dirigeante, en 1994.
"Camba" se fera remarquer par la création en 1990 du Manifeste contre le Front national, un mouvement qui a notamment rassemblé plusieurs dizaines de milliers de manifestants, le 29 mars 1997, contre la tenue à Strasbourg d'un congrès du parti frontiste. Il est également considéré comme le théoricien de la "gauche plurielle", le nom de l'alliance de la gauche qui a gagné les législatives de 1997.
Sa faiblesse : peu de réseau. Le hic ? "Cette histoire-là ne le conduira pas toujours au succès. Lionel Jospin et François Mitterrand n’ont jamais donné l’exercice du pouvoir aux trotskistes", écrit le Nouvel économiste. Car malgré une ascension rapide, "Camba" ne devient jamais ministre. Et il met également du temps avant de prendre la tête du PS, qu'il brigue depuis longtemps. "En 1997, lorsque Jospin choisi Hollande pour s’occuper du PS, Jean-Christophe était dans l’amertume totale", confie à Libération, en 2013, le député Chritsophe Borgel, qui le connaît bien.
En 2012, pourtant pressenti, il voit également les militants désigné Harlem Désir, qui avait reçu le soutien de Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault. Son tort ? Le manque de réseau. "Si Cambadélis a un point commun avec Désir, c’est le manque d’entourage consistant. Il n’a jamais été chef de courant", écrit de lui Libération en 2013.
Et sa carrière politique connaît même un net coup d'arrêt en juin 2006, date à laquelle il est condamné à six mois de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende dans l'affaire des emplois fictifs de la mutuelle étudiante Mnef.
Sa relation avec l'exécutif : agitée. Jean-Christophe Cambadélis rebondit et devient, en 2008, secrétaire national du PS à l'international et à l'Europe et s'affirme comme l'un des principaux lieutenants de Dominique Strauss-Kahn. Quand les ambitions de son champion pour la présidentielle sont réduites à néant, en mai 2011 à New York, il choisit alors Martine Aubry pour la primaire.
Il n'a, donc, tissé que peu de lien avec François Hollande ou même Manuel Valls, qui lui a aussi préféré Harlem Désir en 2012. Pendant les premiers mois du quinquennat socialiste, "Camba" a d'ailleurs était loin du parfait soldat. Il avait, par exemple, critiqué le manque de "doigté" de Vincent Peillon. "Je suis libre. Je fais des choses que Harlem ne peut pas faire", expliquait-il à Libé il y a un an. Et maintenant, est-il aussi libre ?
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