A sept mois d'un scrutin municipal plus que risqué pour la majorité, le mot d’ordre est martelé par les ténors socialistes : "mo-bi-li-sa-tion". Pourtant, la boîte à idées du Parti socialiste est désespérément vide. A la Rochelle, où le PS fait sa rentrée ce week-end devant 4.000 militants et la presque totalité du gouvernement, l’objectif est de phosphorer pour exister, et plus seulement de marcher dans les pas du gouvernement… sans trop s’en éloigner au risque de créer une cacophonie. Exercice périlleux qui attend Harlem Désir.
Désir doit s’affirmer. Le Premier secrétaire n’a, pour le moment, pas réussi à s’imposer rue de Solferino, où les critiques fusent dans les couloirs. "C'est un moment compliqué pour lui", euphémise un cadre socialiste. A La Rochelle, l’ancien président de SOS Racisme se sait attendu, doit restaurer son autorité, montrer qui est le patron. Les proches du Premier secrétaire promettent donc un discours de clôture "très offensif". "Après avoir joué le rôle de soutien au gouvernement la première année, il entend, pour cette deuxième année, endosser le rôle de chef de bataille pour les élections", assure ainsi un membre de la direction.
A chaque fois qu’il a tenté de peser dans le débat et de faire entendre une musique différente du refrain elyséen, Harlem Désir s’est manqué : droit de vote des étrangers aux élections locales, non-cumul des mandats, référendum sur la transparence de la vie politique. Cette fois, le laboratoire d’idées qu’est le rassemblement de tous les socialistes doit lui permettre de lancer des débats, d’animer la gauche et, donc, d’exister politiquement. Sinon…
Le "problème" Valls. On ne parle que de lui. Et au sein de la majorité, ils sont nombreux à s’agacer de l’omniprésence du ministre de l’Intérieur, à commencer par François Hollande, même s’il jure du contraire. A La Rochelle, Manuel Valls sera au centre de toutes les discussions. Trop "droitier" pour les uns, trop ambitieux pour les autres, il pose problème dans son camp… alors même qu’il est le ministre préféré des Français et qu’il sert l’exécutif en s’emparant avec fermeté des thématiques régaliennes (immigration, laicité). Lui que l’on dit isolé réunira ses soutiens, samedi, autour d’un verre. Et c’est lui qui prendra la parole sur le thème principal de cette université d’été : comment entraver la montée en puissance du Front national. Critiqué, isolé… mais écouté.
Lors de la précédente édition - après un été où il avait (déjà) créé la polémique en démantelant des campements de Roms -, Manuel Valls avait été copieusement applaudi, alors même que les militants n’étaient que 5% à avoir voté pour lui lors de la primaire socialiste de 2011. Rééditera-t-il cet exploit ?
>> A LIRE AUSSI : Valls : un concert de critiques à gauche
Rassembler la gauche. François Hollande l’a martelé : pour résister lors des prochaines élections municipales, la gauche devra se présenter "rassemblée". C’est pour apporter sa pierre à l’édifice que le chef de l’Etat, enfreignant une de ses promesses de campagne, a reçu à l’Elysée les patrons des partis alliés. Et à la Rochelle, Jean-Vincent Placé, président du groupe Europe Ecologie-les Verts au Sénat, Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche et Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, seront chouchoutés.
Le "rêve" présidentiel : qu’un seul candidat de la gauche soit sur la ligne de départ dans chaque municipalité afin d’éviter l’éparpillement des voix au premier tour. "Harlem Désir doit relever le défi, dans les prochaines semaines, de rassembler au sein du PS pour mettre le parti en situation de rassembler la gauche", et d'être "unitaire pour deux", au moment où Jean-Luc Mélenchon poursuit ses attaques virulentes à l'encontre de la majorité, décrypte un responsable socialiste.
>> A LIRE AUSSI : Municipales : l'appel à l'unité de Hollande
Comment endiguer la montée du FN. La claque reçue lors de l’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot - le candidat PS a été battu dès le premier tour par ses adversaires UMP et FN - est encore dans toutes les mémoires. Ces trois jours ensemble doivent donc permettre au PS de trouver des réponses à la montée du parti de Marine Le Pen.
Samedi se tiendra un atelier intitulé "faire gagner la démocratie contre l’extrême-droite". Dans le programme, on peut lire qu’ "il appartient à la gauche de dénoncer le Front national non seulement sur le terrain des valeurs, mais aussi sur le terrain social, en déconstruisant son nouveau discours politique et sa stratégie d’intoxication des Français." Parmi les intervenants, un invité de marque: Manuel Valls. Lors de son point de presse hebdomadaire, le porte-parole du PS, David Assouline, a opposé "la France qu'on aime", à la "France F haine" tout en annonçant à La Rochelle des débats "sans tabou" sur des thèmes comme la sécurité et le protectionnisme. Mais cela n’inquiète pas outre mesure le FN, comme en atteste un billet de blog de l’eurodéputé Bruno Gollnisch : "au risque peut être de lasser même le noyau dur de leurs adhérents, les instances du parti vont donc, comme depuis trente ans, faire mine de 'chercher des réponses à la montée du Front National'…"
Royal va parler. L’année dernière, elle avait séché le grand raout socialiste, préférant un exil sud-africain de quelques jours. Son cuisant échec aux législatives était encore trop frais. Croiser Olivier Falorni, son tombeur, tout sourire, aurait été trop dur. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et, cette fois, Ségolène Royal est bel et bien de retour. C’est d’ailleurs elle, puissance invitante en tant que présidente de la région Poitou-Charentes, qui prendra la parole pour l’ouverture de l’université. "C’est important, c’est un moment politique", a-t-elle glissé à Sud Ouest.
Pas question toutefois de dévoiler ses (réelles) ambitions ministérielles car "cela ne se fait pas comme ça", élude-t-elle. La vice-présidente de la Banque publique d’investissement dit s’épanouir dans son rôle de patronne de région, un job "passionnant". Mais cette université d’été, c’est un peu son retour au premier plan. Alors elle voulait marquer le coup en invitant à déjeuner des présidents socialistes de région. Un rendez-vous annulé en raison d’un nombre trop important de défections…