Si c'était à refaire, elle "reposerait la même question". "Elle", c'est Marie d’Herbais, la présentatrice du "Journal de bord" de Jean-Marie Le Pen, un rendez-vous hebdomadaire en vidéo diffusé sur le site du FN depuis 2006 et jusqu'à… la semaine dernière. Dix jours après la polémique sur la "fournée", "l'intervieweuse" de Jean-Marie Le Pen ne regrette rien. Et même si le Front national a décidé de mettre fin à l'existence de cette chronique sur le site, elle compte bien poursuivre ses interviews, sans changer sa manière de faire, sur le nouveau blog du président d'honneur du parti. "Je ne me laisserai pas changer par le terrorisme intellectuel", martèle auprès d'Europe1.fr cette frontiste de 42 ans, au FN depuis son adolescence, et profondément dévouée à Jean-Marie Le Pen, "son président".
>> Quelle place joue, et jouera, Marie d’Herbais dans la galaxie FN ? Europe1.fr lui a demandé.
Petit rappel des faits. Dans son "Journal de bord n°366", publié vendredi 6 juin, Marie d’Herbais interroge Jean-Marie Le Pen sur "tous ceux qui avaient juré en cas de victoire du Front national de prendre leurs cliques et leurs claques et de quitter la France". Après une brève réponse de l'interviewé sur Yanick Noah, elle poursuit : "et il y a Patrick Bruel aussi". Réponse de Jean-Marie Le Pen : "On fera une fournée la prochaine fois". Il n'en fallait pas moins pour mettre le Front national dans l'embarras, Marine Le Pen parlant même de "faute politique".
"Monsieur Le Pen n'y est pour rien"... Aujourd'hui, Marie d’Herbais continue de rejeter toute polémique sur la "fournée". "Le 'mot' fournée a été sorti de son contexte. Il n'a pas forcément un sens polémique", assure-t-elle. "Jean-Marie Le Pen, juste avant, avait parlé de Guy Bedos, Madonna et Yannick Noah. Il voulait simplement dire que l'on referait une émission sur eux, en ajoutant Patrick Bruel, qu'on en refera une nouvelle 'fournée'", explique-t-elle. "Au début, cette question n'était d'ailleurs pas prévue. C'est moi qui l'ai rajoutée au dernier moment. Monsieur Le Pen n'y est pour rien. En aucun cas il ne s'attendait à cette question", poursuit-elle.
Naïve, sincère ou pro de la communication ? Voix posée, Marie d’Herbais semble croire en ce qu'elle dit, même quand personne ne la croit. "Vous savez, moi, Patrick Bruel, je pensais qu'il était Portugais. Et Jean-Marie Le Pen ne fait pas de blagues antisémites. Il n'y a que ses ennemis qui font croire ça", insiste-t-elle, promet-elle-même, lorsque sa parole est remise en question. "Personne ne comprend cette polémique. Mon père m'a appelé pour me dire : 'grand-mère doit se retourner dans sa tombe'. Car j'ai une grand-mère née Dreyfus", renchérit cette attachée de presse de formation, pro de la Communication, et qui, il faut le rappeler, sait parler aux médias.
"Je n'en veux pas à Marine". Ce qui est certain : c'est que Marie d’Herbais a le Front national dans le sang. Fille d'une ancienne conseillère régionale FN de Picardie et d'un ex-actionnaire de "Minute", petite-fille de Marcel Chéreil de la Rivière, figure monarchiste et candidat FN à de nombreux scrutins, elle est également l'épouse (séparée) de Frédéric Chatillon, ancien leader du GUD et important prestataire du Front national. Mais son avenir au sein du parti dépendra de Marine Le Pen.
Les deux femmes sont amies depuis l'enfance. Mais selon Le Nouvel Obs, leurs "relations se sont dégradées depuis sa récente séparation d'avec Frédéric Chatillon", qui est resté proche de la présidente du parti. "Nous sommes toujours amies", affirme pourtant Marie d’Herbais. "On ne se voit plus trop. Elle n'est venue me voir qu'une fois sur ces quatre dernières années, à un barbecue. Mais c'est normal, elle a une vie de fou", poursuit l'intervieweuse de Jean-Marie Le Pen. Quoi qu'il en soit, elle "n'en veut pas à Marine pour la polémique". "Je ne me mêle pas des histoires de famille", se justifie-t-elle.
Les "bougnoules" et la quenelle. Marie d’Herbais ne vit pas sa première polémique. En 2003, elle organise une fête dans un appartement du XVIe arrondissement pour fêter l’anniversaire de son époux, raconte Libération. Ayant entendu du bruit dans l'immeuble, des policiers viennent toquer à la porte, le ton monte et les agents finissent par vouloir embarquer des invités. "Il est plus facile de s’en prendre à des bons Français plutôt qu’aux Bougnoules !", leur lance alors Marie d’Herbais, selon le journal. "Oui, ça, je l'ai peut-être dit", reconnaît-elle aujourd'hui. "Mais le bruit venait de chez mes voisins et les policiers se sont montrés violents", se justifie-t-elle.
Il n'y a pas eu que ça. "Les messages de soutien au skinhead accusé d’avoir tué Clément Méric reviennent régulièrement, en alternance avec des chants scouts, royalistes ou de légionnaires. Son panthéon personnel voit Vladimir Poutine côtoyer Bachar el-Assad et Jean-Marie Le Pen", écrit d'elle Rue89, citant des messages Facebook aujourd'hui introuvables. Fan de Dieudonné, Marie d’Herbais s'est aussi fait remarquer pour son usage de la "quenelle". A Noël dernier, devant le sapin, les enfants sont même pris en photo en train de faire le geste polémique.
"La quenelle n'est pas du tout un geste hitlérien. Ça veut dire 'merde à ce système qui se fout du monde'", explique-t-elle aujourd'hui. Ce qui l'énerve, en revanche, "c'est quand on ne parle que de ça".
Pas de sanctions prévues pour elle. Aujourd'hui, "l'intervieweuse", également professeure de catéchisme, veut passer à autre chose. Les émissions avec Jean Marie Le Pen, Marie d’Herbais devrait continuer à les animer, sur le nouveau blog de ce dernier. "La seule question est : où et quand. On attend d'avoir des locaux. On devrait en faire une jeudi ou vendredi", précise-t-elle. Risque-t-elle des sanctions du FN ? Contacté par Europe1.fr, Alain Vizier, le directeur de la communication du FN, assure ne pas en avoir entendu parler. "Pourquoi j'aurai une sanction ? Parce que j'ai rajouté la question sur Patrick Bruel ? Il avait affirmé qu'il ne jouera pas dans des villes FN. Ce n'est pas très démocratique. J'assume cette question", se défend Marie d’Herbais.
Quoi qu'il arrive, elle fera ce qu'on lui dit de faire. Celle qui fut candidate aux dernières législatives dans la Sarthe ne prend pas la politique comme une ambition personnelle. "Je suis un soldat, je fais ce qu'on me demande. Je serai toujours présente pour défendre ma nation".
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