La réforme des retraites n’a pas été adoptée sans mal mardi au Sénat. La chambre haute a entériné, par 177 voix contre 151, le texte mis au point lundi par une commission mixte paritaire réunissant des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les opposants au projet de loi ont fait entendre leurs voix jusqu’aux dernières minutes avant le vote. Et cela devrait logiquement se reproduire au Palais Bourbon avant le vote de mercredi après-midi.
Une ambiance électrique jusqu’au bout
Alors que le vote final de la réforme des retraites approchait, les tensions droite-gauche se sont faites de plus en plus intenses. Le ministre du Travail, Eric Woerth, a vivement attaqué la gauche à la fin de la discussion générale sur le texte : "Je voudrais combattre la campagne de désinformation que vous avez mis en place, la réforme est le fruit d'un long dialogue social, d'une discussion sur tout les sujets avec l'ensemble des acteurs français", a lancé le ministre. La gauche a alors répondu par des huées.
Sous les protestations des socialistes, entre autres, le rapporteur UMP du projet de loi, Dominique Leclerc, s'est écrié : "Soyez polis ! Ecoutez le ministre ! Votre conduite est indigne, écoutez le ministre ! Soyez au moins polis !". Et Eric Woerth a alors ironisé : "Je remarque que, sur les débats importants, la gauche perd toujours son sang-froid", faisant redoubler le chahut sur les bancs de gauche.
"Un Sénat désavoué"
De leur côté, les sénateurs de gauche ont pourfendu le texte avec toujours autant de virulence après trois semaines de débats particulièrement animés pour la Haute-Assemblée. "Ce projet de loi fera du mal et le mal sera durable, la manière dont le gouvernement l'a mené laissera des traces", a lancé le président du groupe PS, Jean-Pierre Bel, lors des explications de vote. Il s'est indigné d'un Sénat "désavoué".
"A quoi sert notre prétendue indépendance d'esprit, si notre ordre du jour est fixé à l'Elysée ?", s'est-il écrié. "Toujours plus pour la France d'en haut, toujours moins pour la France d'en bas, le Parlement est légitime, il ne méritait pas que vous l'ayez malmené", a protesté ensuite la patronne des sénateurs CRC-SPG (communistes et parti de gauche), Nicole Borvo Cohen-Seat.
Les sénateurs de gauche n’étaient pas les seuls à attaquer le texte. Près d'un millier de personnes étaient rassemblées aux abords de la chambre haute du Parlement, mardi après-midi, à l'appel du syndicat étudiant Unef, pour protester contre le projet de réforme des retraites.
Les débats s'enveniment aussi à l'Assemblée
Après le Sénat, l'Assemblée nationale. Les députés doivent, eux aussi, examiner la dernière version du texte. Le vote solennel et définitif sur ce projet de loi est prévu pour mercredi après-midi au Palais Bourbon. Mais avant même le début des débats, un incident s'est produit mardi à l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement.
Un député communiste a ainsi brandi dans l'hémicycle une photo montrant Nicolas Sarkozy et son frère Guillaume. Le parlementaire mettait en rapport la réforme des retraites et le fait que le groupe d'assurance Malakoff-Médéric, dont Guillaume Sarkozy est le délégué général, développe des produits d'épargne de retraite complémentaire privés, avec le soutien de la Caisse des Dépôts et Consignations, institution contrôlée par l'Etat. La séance a été brièvement suspendue. Déjà la semaine dernière, la société Malakoff-Méderic s'était déclarée "injustement mise en cause", lorsque le site internet d'information Mediapart a mis en avant la fonction du frère du chef de l'Etat, en pleine protestation nationale contre la réforme des retraites.
Vers le Conseil constitutionnel
Une fois que l’Assemblée nationale aura voté, le texte sera alors définitivement adopté par le Parlement. Mais il faudra encore attendre avant de voir entrer en vigueur cette réforme. Car l'opposition a annoncé mardi qu'elle saisirait le Conseil constitutionnel, ce qui retardera la promulgation du texte.