Benoît Hamon voulait faire de son meeting de Bercy, dimanche, le grand moment de sa campagne présidentielle, sa référence, son "discours du Bourget" façon François Hollande. Celui, aussi, qui doit le relancer, alors que le candidat PS marque le pas depuis plusieurs semaines. Enflammé, parfois exalté, Benoît Hamon a tout donné dans un AccorHôtels Arena comble, dont les gradins étaient occupés par près de 20.000 personnes. "Tout commence aujourd’hui. Tout commence avec vous. Tout commence par vous", a ainsi lancé le député des Yvelines, avant de s’en prendre à ses adversaires lors d’un discours très marqué à gauche et enrichi de nombreuses références historiques.
Les différents "visages" du "parti de l’argent". Comme François Hollande en 2012 au Bourget, Benoît Hamon a fustigé l’argent roi. "Je veux d'abord le dire solennellement : le parti de l'argent a trop de candidats dans cette élection. Ce parti de l'argent a plusieurs noms, plusieurs visages, il a même plusieurs partis", a lancé le candidat socialiste. Dans son viseur, Emmanuel Macron, d’abord : "L’un nous dit, moderne : ‘enrichissez-vous’". Marine Le Pen et François Fillon, ensuite : "Les deux autres pensent : ‘enrichissez-nous’".
Mais c’est bien le candidat d’En Marche ! qui en a pris le plus pour son grade. "Il existe dans cette campagne une certaine vision de la France qui n’est pas la mienne. Un pays vu comme une entreprise, un gouvernement comme un conseil d’administration du CAC 40. Un pays où l’argent serait roi, voire même la seule raison d’être. Un pays où gauche et droite travailleraient en France pour l’entreprise France, et en réalité, pour les gagnants", a insisté Benoît Hamon. "Vous êtes chômeurs ? Créez votre entreprise. Vous êtes pauvres ? Devenez milliardaires. Vous n’avez qu’un tee-shirt ? Allez vous acheter un costume, diable !". A chaque fois, ce sont des déclarations polémiques d’Emmanuel Macron qui étaient visés.
Le candidat socialiste Benoît Hamon a dénoncé le "parti de l'argent" qui a "plusieurs visages" et "trop de candidats dans cette élection" pic.twitter.com/aSGx9miWCJ
— franceinfo (@franceinfo) 19 mars 2017
Hollande, Cazeneuve et Le Drian salués… Benoît Hamon n’a pas non plus oublié qu’il devait élargir sa base électorale et que l’aile droite du Parti socialiste, celle qui fut loyale à François Hollande, hésitait à le rejoindre. Il a profité de l’évocation du danger terroriste pour le faire. "Je veux (...) saluer trois personnes qui, tout au long de ce quinquennat, ont fait primer le service de l'Etat et la protection des Français sur toute autre considération, je vous demande de saluer, comme ils le méritent, le président de la République François Hollande, le Premier ministre Bernard Cazeneuve et le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian", a-t-il lancé. Le dernier nom lâché ne manque pas de sel, au moment où Jean-Yves Le Drian est annoncé comme soutenant très bientôt Emmanuel Macron. Et ce n’est sans doute pas un hasard si Benoît Hamon l’a fait applaudir.
Plus tard, le candidat socialiste a aussi salué l’action engagée sous le mandat de François Hollande. "Dans le bilan de ce quinquennat, nous pouvons aussi trouver de la fierté. De la fierté pour la retraite à soixante ans pour les carrières longues. Je suis fier du tiers payant généralisé. Fier des postes de professeurs que nous formons à nouveau, fier d'avoir engagé la transition énergétique, fier de la loi Alur. Tout cela, nous le prenons", a égrené celui à qui il était reproché, notamment par Bernard Cazeneuve, de ne pas défendre l'action menée depuis 2012.
Un Bernard Cazeneuve à qui il a aussi emprunté la critique de la clause Molière, cette mesure défendue par des présidents de région de droite voulant imposer le seul français comme langue sur les chantiers. "Quelle clause Tartuffe que cette clause Molière, inventée par la droite avant les élections ! Mais comment aurait-on reconstruit la France sans les Polonais, sans les Portugais, sans les Italiens, sans les Marocains, sans les Algériens ? Tartuffe Wauquiez, Tartuffe Pécresse, Tartuffe François Fillon. Et tout ça pour plaire à qui ? A Marine Le Pen !", s’est emporté Benoît Hamon dans l’un des moments forts de son discours.
En meeting à Paris, Benoît Hamon attaque "Tartuffe Wauquiez, Tartuffe Pecresse, Tartuffe Fillon" sur la "clause Molière" pic.twitter.com/2KZBn5GxiO
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…Valls critiqué. En revanche, il est un homme à qui le vainqueur de la primaire socialiste n’a pas rendu hommage, et pour cause. Dans une tribune publiée dans le JDD, Manuel Valls, finaliste malheureux de la même primaire, explique pourquoi il ne soutient pas son ex-adversaire. Ce dernier lui a répondu vertement, sans le citer, mais provoquant des sifflets dont la cible ne faisait pas de doutes. Il a ainsi fustigé ceux qui veulent "ignorer le vote populaire. Ce manquement à la parole donnée et ce mépris de l'expression démocratique exaspèrent tant le peuple qu'ils finissent par le jeter dans l'aventure du Brexit, dans les bras de M. Trump ou de Mme Le Pen", ils "nourrissent le nihilisme qui éteint chaque jour davantage l'esprit républicain dans le coeur de nos compatriotes", a-t-il dénoncé.
La "fierté" d’être de gauche. Mais c’est surtout à la gauche que Benoît Hamon s’est adressée, au moment où il est challengé par Jean-Luc Mélenchon qui a, lui, organisé son grand moment la veille à Paris. Le candidat socialiste a multiplié les références, anciennes, comme Jaurés, Blum, Schoelcher, et plus récentes, telles que Delors, Aubry ou encore Taubira. Il a plaidé pour le revenu universel, mais aussi annoncé qu’il soumettrait la question du vote des étrangers aux élections locales à un référendum. "Ma famille, mon identité, ma vie, c’est la gauche. Mon combat, c’est la gauche, ma fierté, c’est la gauche", a-t-il lancé.
"Nous allons faire du bruit dans cette élection. Le bruit de l’espérance qui vient", a aussi affirmé Benoît Hamon vers la fin de son discours. L’étape est réussie, incontestablement. Reste à savoir si ce "bruit" que veut faire le candidat sera entendu. En dehors de l’AccorHotels Arena.