Le maire LR de Nice Christian Estrosi a été condamné vendredi à 3.000 euros d'amende pour diffamation envers un universitaire niçois venu en aide à des migrants et qu'il avait comparé à un passeur, un jugement dont il va faire appel. Sur Twitter, l'élu de droite avait critiqué une décision de justice relaxant le géographe Pierre-Alain Mannoni en 2017 et pour Me Maeva Binimelis, l'avocate du chercheur, les propos étaient "injustifiables" car ils avaient "cloué au pilori" son client, le faisant "passer pour un passeur de terroristes".
"Il m'a fait passer pour une crapule faisant passer des terroristes et un trafiquant d'êtres humains", a rappelé à l'AFP Pierre-Alain Mannoni qui reproche au maire de Nice de n'avoir pas retiré le message litigieux ni mesurer la portée de ses déclarations: "C'est grave et depuis j'ai reçu des menaces de mort".
"Je considère que les déclarations de Christian Estrosi s'inscrivaient dans le cadre d'un débat public sur l'immigration et les dangers potentiels de l'aide apportée à une immigration illégale", a considéré au contraire Me Gérard Baudoux, avocat du maire, qui a indiqué à l'AFP qu'il interjetait immédiatement appel.
Quatre ans de combat judiciaire
Avec l'agriculteur de Breil-sur-Roya Cédric Herrou, Pierre-Alain Mannoni fait partie des premiers militants poursuivis par les autorités à partir de 2016 pour l'aide apportée à des migrants à la frontière italienne. Lui-même avait hébergé brièvement trois Erythréennes réfugiées dans un centre de vacances français désaffecté avant de les conduire en voiture à une gare SNCF vers Marseille où elles devaient être soignées par des associations.
Pris dans une tourmente judiciaire qui a duré quatre ans jusqu'à sa relaxe définitive le 28 octobre 2020, il a saisi la justice à son tour et attaqué la publication de Christian Estrosi: "C'est long mais je commence à pouvoir rendre les coups", a-t-il dit.
"Pierre-Alain Mannoni, Cédric Herrou... Ils sont tous coupables de faire entrer illégalement des individus sur notre territoire. Avec ces agissements ils favorisent le travail des passeurs (...) Certains djihadistes se font passer pour des migrants (...) Comment ces individus peuvent-ils nous certifier qu'ils ne font pas rentrer de terroristes sur notre sol en violant la loi comme ils le font?", écrivait Christian Estrosi.
Le combat de Cédric Herrou et ses avocats a conduit le Conseil constitutionnel à reconnaître le principe de fraternité en 2018 et réécrire la loi pour préciser que, si l'aide à l'entrée sur le territoire est toujours un délit, l'aide à la circulation et au séjour n'est pas sanctionnable si elle est réalisée dans un but humanitaire et sans contrepartie.