L'ex-garde des Sceaux Christiane Taubira a estimé jeudi que le projet de loi asile et immigration répondait "essentiellement à des préoccupations de politique intérieure", sans s'interroger sur la réalité des flux migratoires mondiaux.
Une loi qui "n'embrasse par la réalité de la circulation humaine". Ce texte, débattu à l'Assemblée nationale depuis lundi, "répond essentiellement à des préoccupations de politique intérieure manifestement, il n'embrasse pas la réalité de la circulation humaine, il ne correspond pas à ce que disent les chiffres", a-t-elle déploré sur France Inter, notant que depuis la signature de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie au printemps 2016, "la demande d'asile en Europe a baissé de 90%".
"On ne peut pas penser un projet de loi asile et immigration avec l'obsession de raccourcir les délais d'appel, de prolonger les délais de rétention, sans s'interroger sur l'état du monde, sur la place de la France, de l'Europe dans le monde, et sur la réalité de ces flux, de ces circulations humaines", a-t-elle souligné.
"Assumer de dire qu'on créé de la cohésion". Estimant qu'Emmanuel Macron n'est "pas indifférent aux réalités ni des misères, ni des situations de précarité ou de vulnérabilité", elle a aussi remarqué qu'"il faut du courage politique, il faut aussi assumer de dire que dans notre société on crée de la cohésion (…) et que nous sommes en capacité quand même, à 66 millions de personnes, de cesser de hurler parce que l'Union européenne nous demande d'accueillir 24.000 personnes". Tout cela "peut être entendu car des Françaises et des Français le pensent profondément", a-t-elle plaidé.
Interrogée par ailleurs pour savoir si, selon elle, les récents propos du président de la République sur le lien entre l'État et l'Église "abîmé" faisaient référence à son action en faveur du mariage pour tous, elle a dit ne "pas penser que chaque parole prononcée [la] concerne" et évoqué une "erreur de fond car la question n'est pas de savoir si on froisse des gens mais de savoir quel est le droit et ce qui est juste". "Est-ce que ce que nous avons fait était juste ? Oui, c'était juste", a-t-elle tranché.
"Un État laïc doit tenir à bonne distance les religions quelles qu'elles soient", a-t-elle ajouté, estimant que l'opinion de l'Église "reste une opinion religieuse mais [que] le clergé ne peut pas avoir d'influence sur l'organisation des droits et devoirs".