A une semaine de la clôture des parrainages, Christiane Taubira ne compte que 104 signatures recueillies sur 500, et voit se réduire ses chances de poursuivre l'aventure présidentielle, entamée il y a un peu plus d'un mois. Elle s'était déclarée tardivement, le 15 janvier dernier.
Sa campagne n'a jamais décollé
Son équipe assurait que l'ex-garde des Sceaux, victorieuse de l'initiative citoyenne de la Primaire populaire fin janvier, arriverait rapidement à réunir la gauche, profondément fracturée, pour rivaliser avec Emmanuel Macron, la droite et l'extrême droite, pour une place au second tour.
Mais sa campagne n'a jamais décollé et les autres candidats de gauche, qui ont refusé la primaire populaire, ont d'entrée opposé une fin de non recevoir à ses efforts de rassemblement. Tombée entre 2 et 3% dans les intentions de vote, Christiane Taubira persiste et poursuit sa campagne: rencontre avec les jeunes mardi, colloque à La Sorbonne devant des étudiants mercredi, réunion publique à Rennes dimanche.
Un déplacement prévu jeudi dans le Gard a été annulé après l'invasion de l'Ukraine par la Russie dans la nuit, la candidat participant à un rassemblement devant l'ambassade russe jeudi midi avec l'union des étudiants ukrainiens de France. "Cette campagne a son sens, autour des grandes questions qu'elle a mises en avant: la jeunesse, l'expression démocratique et la lutte contre l'extrême droite", défend Christian Paul, ex-député socialiste et proche de la candidate.
Mais "je vois bien qu'il y a une haie à franchir". "La seule solution c'est de redoubler d'efforts", assure-t-il, expliquant que la "hotline parrainage s'est renforcée, avec 150 personnes qui font du +phoning+ ou vont voir les élus".
Il ne veut pas parler de l'après 4 mars, date limite pour réunir les 500 parrainages. "La question n'est pas là. La question c'est de pouvoir sereinement faire une campagne", assène-t-il. "La difficulté vient d'une gauche désunie, qui s'abîme au lieu de se reconstruire", regrettant que "tout le monde ait tapé sur Christiane Taubira" à gauche.
La faute aussi selon lui au Parti radical de Gauche, qui s'est retiré de la campagne le 14 février, évaporant son réseau de 170 promesses de signatures et son soutien financier.
Guillaume Lacroix, le président du PRG, a justifié ce revirement par le fait que Mme Taubira "est sortie du schéma de candidate du rassemblement de la gauche, pour se tourner vers un schéma de candidate de la légitimité populaire". Or "le mandat du PRG reposait sur une démarche de rassemblement".
"Elle n'était pas prête"
Christian Paul accuse le Parti socialiste d'être à la manœuvre. "Je n'aurais jamais imaginé la façon dont l'équipe d'Anne Hidalgo et une partie du PS agirait pour bloquer les parrainages", assène-t-il, malgré les démentis du Premier secrétaire du PS Olivier Faure et de Guillaume Lacroix.
Mais dans l'équipe de la candidate, certains estiment qu'elle aurait déjà dû s'arrêter. "C'était une opération éclair assumée, qui n'aurait pas dû se poursuivre, en l'absence de dynamique", dit un proche de Mme Taubira. Au sein de la primaire populaire, la mobilisation n'est pas enthousiaste non plus, certains ayant refusé de la soutenir sans condition, lui reprochant un manque d'effort pour faire l'union.
La candidate, qui a longtemps joué la sérénité, a dû lancer lundi un appel à l'aide auprès des élus pour avoir les parrainages. Mais beaucoup jugent impossible qu'elle atteigne les 500 signatures. "Je ne vois pas comment elle peut continuer", explique un cadre de la France insoumise.
"Elle n'est pas présidentiable"
"Il y a une grosse différence entre les sondages et la primaire populaire. Elle n'est pas présidentiable", estime un autre observateur de gauche, déçu : "elle est plus inspirante à se faire acclamer au Zénith avec Gaël Faye", chanteur pour qui elle a écrit une chanson et qui l'avait invitée sur scène en novembre 2021.
Pour lui, Christiane Taubira "n'était pas prête, son entourage n'était pas prêt et n'avait pas les bonnes motivations. Ils voulaient surtout tuer le PS". "On lui a laissé croire que par l'effet miracle de l'oracle, elle allait tout gagner. Maintenant, pour sortir par le haut, elle ne peut qu'accuser les vieux partis", regrette un cadre socialiste.
"Ce qui l'a flinguée, c'est sa prestation ratée à la Fondation Abbé Pierre" sur le mal-logement, ajoute un autre socialiste. Mais "elle mérite mieux que ce qui lui est réservé aujourd'hui. Elle prend cher".