Trois mois après la publication d'un rapport retentissant sur la "dépendance" des pouvoirs publics aux cabinets de conseil, le Sénat met sur la table une proposition de loi transpartisane pour encadrer le recours par l'État à ces cabinets privés.
Le texte a été déposé mardi sur le bureau du Sénat par la rapporteure de la commission d'enquête Eliane Assassi (groupe CRCE à majorité communiste) et son président Arnaud Bazin (LR). "Nous voulons mettre fin au recours tous azimuts aux cabinets de conseil et éviter les dérives constatées par la commission d'enquête", a indiqué Arnaud Bazin à la presse.
Pour Mme Assassi, après la publication du rapport, l'exécutif "a fait le dos rond en attendant que la vague passe". Le gouvernement avait certes dégainé mi-janvier une circulaire pour encadrer le recours aux "prestations intellectuelles", mais elle "reste incomplète et n'est pas contraignante pour l'administration", selon Mme Assassi, qui l'a qualifiée de "mur de papier".
>> LIRE AUSSI - McKinsey : pourquoi les gouvernements français recourent-ils à des cabinets de conseil ?
Mettre un terme à l'opacité
La proposition de loi comprend 19 articles qui poursuivent quatre principaux objectifs: mettre un terme à l'opacité, mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil, renforcer les obligations déontologiques des consultants et mieux protéger les données de l'administration.
Le texte prévoit que soit publiée chaque année, en annexe du projet de loi de finances, la liste détaillée des prestations de conseil de l'État. Les prestations gratuites des cabinets de conseil seraient interdites. Pour éviter toute confusion, il leur serait également interdit d'utiliser le logo de l'administration.
>> LIRE AUSSI - McKinsey : «Il faudra regarder les conditions de conception, d'attribution et d'exécution de ces marchés», estime Lisnard
Selon la proposition de loi, les cabinets de conseil auraient l'obligation de transmettre une déclaration d'intérêts sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cette dernière, qui disposerait de moyens d'investigations renforcés, pourrait prononcer des amendes administratives et publier ses sanctions.
Un texte qui pourrait être examiné à l'automne
Le texte propose encore l'obligation pour les consultants d'utiliser la langue française. Ainsi que la destruction systématique, à l'issue de leur mission, des données confiées aux cabinets. Les sénateurs ont écrit à la Première ministre Élisabeth Borne pour lui demander d'engager la procédure accélérée sur ce texte, afin qu'il puisse être débattu par le Parlement en urgence.
Mais l'impasse politique post-législatives complique la donne. "Le débat parlementaire aura lieu", a assuré Mme Assassi. Le texte pourrait être examiné au Sénat à l'automne sur un temps réservé à l'initiative parlementaire.
A la suite du rapport sénatorial, le parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête préliminaire pour "blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée" à l'encontre du cabinet de conseil américain McKinsey. Le Bureau du Sénat avait en outre saisi le parquet pour suspicion de faux témoignage d'un responsable de McKinsey devant la commission d'enquête.