Vous n’avez peut-être jamais entendu parler du SPACE, le "Salon international des productions animales - Carrefour européen", qui a ouvert ses portes mardi à Rennes. Et pourtant, les candidats - ou presque candidats - à la présidentielle ne vont pas manquer de s’y bousculer. Jean-François Copé, Hervé Mariton et Emmanuel Macron y seront ce mercredi. Jeudi, ce sera au tour d’Alain Juppé, de François Fillon, de Nicolas Dupont-Aignan et de Bruno Le Maire. L’ex-ministre de l’Agriculture et l’ex-ministre de l’Economie se sont d’ailleurs croisés lundi au Salon de la Coiffure, le premier y a appris les rudiments du lissage brésilien et le second s’est fait raser en public, sous l’objectif amusé des caméras.
Campagne oblige... Le SPACE, sorte de salon de l’Agriculture en plus confidentiel, existe depuis 30 ans, et pourtant, le calendrier électoral pourrait lui donner cette année un coup de projecteur inattendu. "Il n’y a pas besoin de sortir de polytechnique pour savoir pourquoi ils viennent… Ils viennent parce qu’ils sont en campagne", souffle-t-on du côté des organisateurs. Avec une agriculture en crise, l’enjeu électoral est d’autant plus important. "La question de l’élevage reste d’actualité, même si elle fait moins de bruit", relève Marcel Denieul, président du SPACE et lui-même producteur de lait, un secteur qui faisait encore la une il y a quelques semaines.
Des niches électorales. Car pour un politique, écumer ces petits salons, bien moins médiatisés que les grands événements que sont les salons de l’Agriculture, de l’Automobile ou encore du Livre, c’est aussi "accumuler les niches électorales", selon le politologue Thomas Guénolé, interrogé par Europe 1. Ils permettent aux personnalités politiques de calibrer leurs discours, secteur par secteur. "Tout électeur fait partie d’au moins une ou plusieurs communautés d’intérêts – ce que les Anglais appellent lobby - avec tel ou telle attente. Il est donc possible pour une personnalité politique, avec ces salons, de cumuler les discours séduisants ou convaincants auprès des silos électoraux", détaille le spécialiste, qui relève néanmoins une limite majeure à ce type d’exercice : "Si vous êtes à 10 sur la même niche, il s’agit plutôt de ne pas perdre de micro points".
" Sentir le pouls des agriculteurs, être en contact avec les Français … "
Prendre le pouls des électeurs. "Ça n’est pas un hasard si Bruno Le Maire, ancien ministre de l’Agriculture, a choisi ce salon. Ça n’est pas tant la campagne de la primaire ; il reste en tête des hommes politiques préférés dans l’agriculture", soutient, auprès d’Europe 1, Dimitri Lucas, chargé des relations presse du candidat à la primaire de la droite. Il l’assure, depuis qu'il n’est plus ministre de l'Agriculture, le député de l’Eure n’a jamais manqué le SPACE. "Les conversations, les rencontres, c’est ce qui compte. Sentir le pouls des agriculteurs, être en contact avec les Français …"
Une "pêche aux voix" mais pas que... Pas de prise de parole, ni de rencontre officielle de prévu avec les professionnels du secteur présents au SPACE. Le risque d’un dérapage politique y est donc limité avec, en prime, l’incontournable séquence du candidat serrant des mains ou flattant le "cul des vaches" – selon la formule de Jacques Chirac – qui ne devrait pas manquer d’être relayée sur les réseaux sociaux. Mais Marcel Denieul, le président du SPACE, refuse de voir toutes ces visites se résumer à une simple "pêche aux voix". "Ce qu’on leur demande, ce ne sont pas des mots ou des photos. Ce qu’on leur demande c’est : quel type d’agriculture voulez-vous ? Que voulez-vous que l’on fasse ?"
Bain de foule. Un grand absent néanmoins, Nicolas Sarkozy. L’ancien président de la République n’est pas attendu à Rennes, il n’était pas non plus aux Assises du Produire en France à Reims, la semaine dernière, où ont notamment été aperçus Bruno Le Maire, Jean-François Copé, Marine Le Pen mais aussi des candidats à gauche : Cécile Duflot ou encore Arnaud Montebourg, ce dernier faisant partie des parrains de l’événement. Chez ses adversaires de la primaire, on estime que l'ex-chef de l'Etat n’est plus très friand de ce genre d’exercice, en dehors des meetings et des séances de dédicaces où le public lui est acquis. "Il sait très bien qu’il a une grande partie de la population contre lui, et qu’au milieu des Français, ça peut très vite déraper", juge un proche de l’un des principaux concurrents de Nicolas Sarkozy. On se souvient de l’épisode malheureux du Salon de l’Agriculture de 2008 et du "Casse-toi, pov’con !". Au milieu des représentants d’une agriculture largement sinistrée, les tensions peuvent vite monter.