François Fillon a gagné la primaire de la droite dimanche soir, et dans son sillage, c’est toute une équipe qui se prépare à la campagne présidentielle, mais aussi à l’exercice du pouvoir. Le problème, c’est que l’ancien Premier ministre ne pourra sans doute pas se contenter de ses seuls soutiens. D’abord parce qu’ils n’étaient pas si nombreux à croire en la victoire finale du député de Paris. Ensuite parce que dans un souci de rassemblement, une ouverture en direction de ses anciens adversaires est indispensable. Une équation pas simple à résoudre. Et à laquelle il doit s’attaquer dès maintenant.
- Qui pour remplacer Wauquiez à la tête des Républicains ?
C’est sans doute le dossier le plus chaud. Le très sarkozyste Laurent Wauquiez occupe actuellement le poste de président par intérim des Républicains. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a très vite apporté un soutien zélé à François Fillon après la défaite de son champion, mais cela ne devrait pas suffire à sauver sa tête. D’autant que l’argument selon lequel sa posture très à droite rassure les militants ne tient plus. Car François Fillon est au moins autant à droite que lui. Et les statuts sont clairs : c’est lui qui décide. Le candidat issu de la primaire "propose au Bureau Politique les conditions dans lesquelles la direction du Mouvement est assurée", édicte le règlement du parti. Et par "propose", il faut comprendre "impose".
Reste à lui trouver un remplaçant. C’est un besoin impérieux, car un parti en bon ordre de marche est indispensable à une victoire à la présidentielle. Ségolène Royal a pu l’éprouver douloureusement en 2007. Le problème, c’est que les candidats ne se bousculent pas. Bruno Retailleau, le candidat idéal dans l’esprit de François Fillon, a décliné. "On peut parler de moi comme on veut. Ça n'est pas que ça ne m'intéresse pas mais... Je suis président de groupe parlementaire, président de région (Pays-de-la-Loire, ndlr): cela suffit très largement à mon bonheur", a expliqué sur RTL le sénateur de Vendée.
L'autre favori du poste, Bernard Accoyer, ne s'est pas montré franchement emballé. "Je n'ai pas encore eu cette question qui m'a été posée, mais ça n'est pas dans mes intentions à cette heure", a déclaré l'ancien président de l’Assemblée nationale sur Public Sénat. Lundi soir, François Fillon a indiqué sur le plateau du JT de 20h de France 2 qu'il ne pouvait "absolument pas confirmer" les rumeurs indiquant que Bernard Accoyer aurait été choisi. Disant être toujours "en train de consulter" autour de lui, le vainqueur de la primaire a précisé qu'il avait "rencontré Eric Woerth [actuel secrétaire général], Laurent Wauquiez et beaucoup d'autres" lundi. "J'annoncerai mes décisions au bureau politique demain [mardi]." Pour l'heure, une nomination semble actée : celle de Patrick Stéfanini, le directeur de campagne du candidat Fillon, au poste de directeur général, actuellement occupé par Frédéric Péchenard, un autre très proche de Nicolas Sarkozy.
- Composer son futur gouvernement
François Fillon doit aussi s’atteler très bientôt à la composition de son futur gouvernement. Un tâche un brin présomptueuse, puisque jusqu’à preuve du contraire, le député de Paris n’est pas encore à l’Elysée, mais qui répond à une promesse de campagne. C’est écrit noir sur blanc sur son site de campagne : "François Fillon désignera les principaux ministres appelés à conduire les réformes juste après les primaires, soit 4 mois avant l’élection présidentielle. C’est la condition nécessaire pour que les ministres puissent se préparer aux lourdes responsabilités qui leur seront confiées et réussissent dans leur mission." Le candidat doit donc trouver une quinzaine de noms, en accord avec ses déclarations de campagne, selon lesquelles il préconisait "une équipe resserrée de 18 ministres".
Pour le coup, les candidats ne devraient pas manquer. Certains de ses soutiens ont d’ailleurs déjà fait partie d’un gouvernement. C’est le cas de Gérard Longuet, Thierry Mariani, Bernard Debré, ou encore Jean-François Lamour. Ils ont vocation à en être de nouveau. Plusieurs non-professionnels de la politique pourraient également être sollicités. Les noms de Pierre Danon, son directeur adjoint de campagne et ex-PDG de Numéricable, d’Henri de Castries, ex-PDG d’Axa et soutien actif, ou encore d’Alexandre Bombard, PDG de la Fnac (et ex-patron d’Europe 1) reviennent avec insistance. Enfin, il faudra confier quelques postes aux ennemis d’hier, comme Bruno Le Maire, candidat malheureux très présent dans l’entre-deux-tours, ou Eric Woerth et Luc Chatel, soutiens de Nicolas Sarkozy.
Une chose est sûre, il n’y aura pas de la place pour tout le monde. Difficile d’imaginer que le fidèle de toujours Jérôme Chartier ne figure pas dans la "short list". Valérie Boyer, également très active pendant la campagne, et qui aurait l’avantage de contenter la partie catholique traditionnaliste de l’électorat de François Fillon, devrait aussi en être. La députée des Bouches-du-Rhône a un autre avantage : c’est une femme. Et dans la galaxie Fillon, il y en a peu qui soient ministrables. Le candidat de la droite aura d’ailleurs sans doute du mal à composer une équipe paritaire.
- Quel Premier ministre ?
Il faudra bien un chef à ce gouvernement. François Fillon devrait choisir un fidèle parmi les fidèles. Dans cette optique, trois noms surnagent : Bruno Retailleau, qui pourrait se laisser convaincre de délaisser ses mandats locaux pour le prestige du poste, le président du Sénat Gérard Larcher, ou encore l’éternel Jérôme Chartier. Si le candidat à la présidentielle jouait l’ouverture, il pourrait songer à Bruno Le Maire, qui a fait une offre de service le soir même de sa défaite. Et qui a été particulièrement mis en avant entre les deux tours. Les hypothèses Valérie Pécresse, ancien soutien rallié sur le tard à Alain Juppé, ou Nathalie Kosciusko-Morizet, autre candidate malheureuse tournée vers le centre, semble beaucoup moins plausibles.
- Le défi des investitures
Le nouveau patron des Républicains aura aussi la main sur les investitures aux législatives dans les circonscriptions non encore dotées de candidats. Au total, 802 n’ont pas trouvé preneur, faute d’accord entre les candidats à la primaire. François Fillon a le choix : réserver ces postes à des fidèles et s’assurer ainsi d’une Assemblée nationale docile pendant son quinquennat, ou contenter les centristes. L’UDI, même si elle a soutenu Alain Juppé, est un allié indispensable à la bonne marche d’une future majorité. Pour l’heure, Les Républicains soutiennent des candidats centristes dans 25 circonscriptions. Mais l’UDI en veut plus. Les négociations devraient commencer sous peu.
Il est en tout cas une investiture qui ne posera aucun problème. Celle de François Fillon lui-même. Car pour l’heure, l’ancien Premier ministre n’est que le vainqueur de la primaire. Ce n’est que le 14 janvier prochain qu’il sera formellement investi par son parti, à l’issue d’un conseil national qui entérinera définitivement son triomphe.