Il n’y a pas à dire, il a du métier, le patron de La France Insoumise. Pour sa 3ème candidature en 10 ans, il a repris une formule qui fonctionne : la longue marche, une manif monstre avec discours tonitruants pour haranguer la foule. Il a du métier, et il a du flair, Jean-Luc Mélenchon : il a compris que la bataille contre ses concurrents de la gauche ne servait plus à rien, et que, fort de sa montée régulière dans les sondages, l’important était désormais de tout faire pour être au second tour pour défier Emmanuel Macron.
Tout faire, c’est s’adresser directement aux électeurs de gauche et chercher à déclencher chez eux un réflexe de vote utile. Traduction concrète : dimanche, dans les rues de Paris, il ne fallait plus crier "Mélenchon Président", mais "Union populaire". Cette union que les dirigeants des différents partis de gauche ont été incapables de susciter, cette union que la rocambolesque Primaire populaire a ridiculisée.
Objectif : l'union de la gauche, donc, mais est-ce que leader de La France insoumise donne des gages aux autres partis de gauche ? Non, pas du tout. C’est le point faible, la faille de cette stratégie. Vis-à-vis des socialistes, des communistes, des écolos, c’est zéro concession. Il ne parle même pas de leurs dirigeants, il les ignore complètement. Et plutôt que de développer un programme ouvert, à même d’attirer à lui les électeurs des autres candidats, Jean-Luc Mélenchon cogne, il cogne de plus en plus fort : contre Macron, ce "Président des ultra-riches", contre les patrons qui possèdent trop, contre le marché, contre la police. Pas sûr que cette violence soit à terme très payante.
La gauche plafonne dans les sondages
Mais voilà, il est comme ça Jean-Luc Mélenchon, il méprise ses voisins de la gauche et il est persuadé que la radicalité peut lui permettre de l’emporter. Son but : transformer l’élection présidentielle en référendum contre Macron. Et est-ce qu’il a des réserves de voix pour avoir une chance d’accéder au second tour ? C’est bien le problème. On le sait, la gauche est historiquement faible : elle plafonne dans les sondages aux alentours de 25%. Sauf à assécher en partie le vote communiste et totalement les socialistes, ce qui est évidemment impossible, il n’a pratiquement aucune chance de doubler Marine Le Pen qui, pour l’instant, a réussi à dominer l’offensive d’Eric Zemmour et se tient solidement sur la deuxième marche du podium.
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Mais attention, cette contre-performance de la gauche masque un autre phénomène, lui aussi historique. Si on fait le total des voix qui se portent sur les représentants des partis qu’on appelle partis de gouvernement (La République en Marche, Les Républicains et le Parti socialiste), on arrive, dans la plupart des sondages, aux alentours de 45% des suffrages.
Les partis protestataires s'imposent
Autrement dit, pour la première fois dans l’élection majeure de la Vème République, les partis protestataires sont majoritaires dans l’opinion : Marine Le Pen, plus Zemmour, plus Mélenchon, auxquels on ajoute une pincée d’écolos, plus Fabien Roussel, Dupont-Aignan et les deux leaders d’extrême-gauche, on arrive à plus d’un électeur sur deux. Lors des précédents scrutins, les partis de gouvernement avaient toujours été majoritaires (de justesse en 2017 avec 52% des voix, et très largement lors des présidentielles précédentes : entre 65 et 75% des suffrages).
Alors, bien sûr, cette majorité est purement virtuelle, aucun accord de gouvernement n’est imaginable entre ces extrêmes. Mais ce chiffre, ajouté à la probabilité d’une forte abstention les 10 et 24 avril prochains, ça dit beaucoup de l’état d’esprit des Français aujourd’hui.