Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'apprêtent à s'affronter verbalement mercredi soir à l'occasion du débat de l'entre-deux-tours. Comme eux, les candidats à la présidence de la République se sont (presque tous) prêtés à l'exercice du débat. "C'est un rituel qu'il faut comprendre, qu'il faut sentir, et il y a des erreurs à ne vraiment pas commettre. Il faut savoir se défendre, contre-attaquer, ne pas rentrer dans le jeu de l'autre et rester sur sa parole à soi, sur ce que l'on a à dire aux Français lors de ce moment solennel de l'histoire politique de France", commente mercredi sur Europe 1 le réalisateur et journaliste Serge Moati.
"La télévision, il trouvait ça hostile". En 1981 et en 1988, il est celui qui conseille le candidat socialiste pour ses débats d'entre-deux-tours face à Valéry Giscard d'Estaing puis face à Jacques Chirac. Mitterrand "était un homme de meeting, de foule. Au début, il avait peur de la télévision, il trouvait ça hostile. Il faut se replacer à cette époque où la télévision était une citadelle de droite et chaque fois qu'il se rendait à la télévision, il se sentait attaqué", se souvient le journaliste. "Je lui disais de ne pas avoir peur de cette caméra, de cet œil noir".
Le dossier vide de Mitterrand. Outre la préparation psychologique, les équipes travaillent généralement à une tactique pour déstabiliser le candidat adverse. En 1981, Serge Moati conseille ainsi à François Mitterrand d'apporter un porte document et de le poser sur la table, face à Valéry Giscard d'Estaing. "J'avais entendu que Valéry Giscard d'Estaing et son équipe craignaient beaucoup que l'on dise quelque chose sur l'histoire des diamants de Giscard", confie le conseiller. En 1979, Le Canard enchaîné avait révélé que le président de la République avait reçu, alors qu’il était encore ministre des Finances, des diamants de la part du dictateur centrafricain Jean-Bedel Bokassa, le tout pour une valeur d’un million de franc. "On avait mis un dossier vide devant Mitterrand et de temps en temps Mitterrand tapotait le dossier", se souvient Serge Moati. "Mais il m'avait juré avant de commencer qu'il n'aurait jamais attaqué Giscard sur l'histoire des diamants".
"Monsieur le Premier ministre". Les "punchlines" lancées lors des débats sont également préparées et testées par l'équipe des candidats. C'est ce qui permettra à François Mitterrand, le 28 avril 1988, de faire mouche face à Jacques Chirac. "Ce soir je ne suis pas le Premier ministre, et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité et qui se soumettent au jugement des Français (...) vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand", lance alors Jacques Chirac. Réponse de François Mitterrand : "Mais vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier ministre".
"On était sûrs, autour de Mitterrand, que Chirac allait commencer comme ça. Cela n'a pas loupé", se rappelle le réalisateur. "Le talent de Mitterrand, c'est que pendant tout le débat, il ne s'est pas trompé une seule fois, il l'a toujours appelé, Monsieur le Premier ministre".