"Il n'y a pas de place dans la République pour la race. Et c'est pourquoi je demanderai, au lendemain de la présidentielle, au Parlement de supprimer le mot race de notre Constitution". Ces propos ont été tenus par le candidat Hollande, le 10 mars 2012. Trois ans plus tard, celui de "race" est toujours inscrit dans la loi. Mais les dérapages de Nadine Morano sur ce sujet ont rappelé à certains la promesse de François Hollande.
Morano persiste et signe. En déplacement à Moscou où elle participe à un forum parlementaire sur la sécurité internationale, l’eurodéputée, lâchée par sa famille politique, a réitéré ses propos, une nouvelle fois : "Vous voyez, au Congo, ils reconnaissent que la France est un pays de race blanche avec des noirs, comme le Congo est un pays de race noire avec des blancs". Une attitude qui pourrait pousser le législateur à s’emparer de la question, et cette fois pour de bon.
Une loi déjà votée mais… Le 16 mai 2013, une proposition de loi sur la suppression du mot "race" dans plusieurs textes de loi (Code pénal, Code de procédure pénale et loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse), à l’initiative des députés Front de gauche et des élus martiniquais, réunionnais et guyanais avait en effet été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Sauf que le gouvernement ne l’a jamais inscrit à l’ordre du jour au sénat, si bien que le texte est resté dans les cartons.
Michel Sapin entrouvre la porte. Les députés Front de Gauche et les sénateurs du groupe Communiste républicain et citoyen (CRC) comptent bien profiter de "l’affaire Morano" pour faire avancer le schmilblick. Mercredi, ils ont donc réclamé que le gouvernement inscrive à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Et ils ont reçu un signe positif dès le lendemain, de la voix de Michel Sapin, un très proche de François Hollande : "Oui, c'est un sujet qui avait été abordé lors de la campagne électorale. Il est vrai que le mot de race aujourd'hui n'a absolument pas la même signification que celle qu'il pouvait avoir naguère", a affirmé le ministre des Finances sur France 2.
"Je suis assez optimiste. On espère qu'une décision sera prise lors de la prochaine conférence des présidents de groupe au Sénat, le 7 octobre", a réagi André Chassaigne, le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, sur Francetv info.
"Supprimer le mot ‘race’ serait une bêtise". Du côté de l’opposition, l’idée n’emballe pas plus qu’il y a deux ans, et c’est un euphémisme. "Supprimer le mot ‘race’ serait une bêtise. Il y a deux acceptions à ce mot, l’une scientifique selon laquelle il n’y a qu’une seule race humaine, et à laquelle nous souscrivons, et une autre qui tient plus du sens commun et qui se rapporte à la couleur de la peau. Ce n’est pas en supprimant le mot ‘race’ qu’on supprimera le racisme. On nage en plein ridicule", a estimé Sébastien Huygues, porte-parole des Républicains, dans Le Parisien daté de vendredi.
Le lifting de la Constitution devra attendre. Si, avec un Sénat désormais majoritairement à droite, le texte de loi risque d’avoir bien des difficultés à passer, ce sera mission impossible pour réviser la constitution, comme l’avait promis François Hollande. Car pour se faire, il faudrait réunir le congrès et obtenir la majorité des 3/5e. Et donc convaincre Les Républicains de s’associer au texte. Plus qu’improbable.