"Spectacle souvent lamentable", "inquiétante dégradation" des débats : la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a adressé un courrier à l'ensemble des députés vendredi pour rappeler les règles et déplorer "de graves dysfonctionnements". "Les premiers mois de la 16e législature ont, à l'évidence, été marqués par de graves dysfonctionnements individuels ou collectifs dans le fonctionnement de nos instances de travail et par une inquiétante dégradation de la sérénité et de la qualité de nos échanges", estime la titulaire du perchoir, dans cette lettre que l'AFP a pu consulter.
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Le rappel de l'interdiction des pancartes
Le "triste record" de sanctions pour des "comportements inacceptables ou inappropriés" doit "tous nous interpeller", réclame-t-elle, en évoquant "invectives" et "séances chahutées". La présidente de l'Assemblée rappelle ensuite une série de règles, comme l'interdiction d'utiliser des "pancartes" dans l'hémicycle, alors que plusieurs dizaines de députés, majoritairement insoumis, viennent d'être rappelés à l'ordre pour avoir brandi des pancartes "64 ans, c'est non" en chantant la Marseillaise le jour du déclenchement du 49.3 sur les retraites.
Yaël Braun-Pivet souligne aussi la "prescription interdisant de téléphoner à l'intérieur de l'hémicycle" ou d'employer "tout outil de communication avec l'extérieur", dans une allusion aux "live" du LFI Ugo Bernalicis sur le réseau social Twitch ou aux micro-cravates portés en séance par des députés de différents bords, dont le LR Aurélien Pradié, pour un reportage de France 2. La titulaire du perchoir a ainsi confié une mission à la vice-présidente Naïma Moutchou (également responsable de la délégation à la communication et à la presse) afin de "faire le point" sur "les autorisations de tournage et les règles de prise d'images et de son" à l'Assemblée, mais aussi "sur l'utilisation faite par les députés de divers outils de communication".
Une série de protestations à gauche
Parmi les interrogations, la manière de préserver l'usage du huis clos des commissions mixtes paritaires, ces instances où des députés et sénateurs se réunissent pour tenter de trouver un compromis sur une proposition ou un projet de loi. Lors de la CMP sur les retraites, des élus de la coalition de gauche Nupes avaient revendiqué faire la publicité des débats sur les réseaux sociaux, pour plus de transparence, provoquant l'ire des autres camps.
Le récent rappel à l'ordre infligé à des dizaines de députés suscite une série de protestations à gauche. "Nous ne sommes pas des gamins à punir mais des députés qui nous opposons à votre réforme des retraites. Aucun rappel à l'ordre ne nous fera taire ou peur", a grincé l'écologiste Sandrine Rousseau sur Twitter.
La cheffe de file du groupe LFI Mathilde Panot a annoncé contester ces rappels à l'ordre devant le Conseil d'Etat, et "si nécessaire" son groupe "se tournera vers la Cour européenne des droits de l'Homme". "Ces sanctions prises à l'encontre de députés de l'opposition démontrent que, loin de faire respecter les prérogatives du pouvoir législatif, vous n'êtes plus qu'une exécutante des basses oeuvres de l'exécutif dans son virage autoritaire", assène-t-elle à Mme Braun-Pivet dans un courrier.