Après la région PACA la semaine dernière, les grandes manœuvres politiques en vue des régionales se poursuivent dans le Nord. Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti sera candidat aux élections régionales dans les Hauts-de-France, et même sans doute tête de liste du parti présidentiel La République en marche. Durant la campagne, il devrait être épaulé par son collègue du gouvernement et enfant du pays, Gérald Darmanin, lui-même candidat aux départementales. Avec les candidatures de ces deux poids lourds de la majorité, Emmanuel Macron entend désarçonner Xavier Bertrand, président sortant du Conseil régional des Hauts-de-France et candidat à sa réélection, face à la menace que représente le Rassemblement national.
Dupond-Moretti, une personnalité médiatique pour remplacer le trop méconnu Laurent Pietraszewski
Emmanuel Macron a piloté lui-même l'opération, et les derniers ajustements de cet atterrissage politique ont été réglés lundi à l’occasion d’une réunion à l’Elysée. Autour de la table, une poignée de ministres et plusieurs conseillers politiques. L’entourage d’Emmanuel Macron ne manque pas de mots louangeurs pour ce ministre de la Justice marqué à gauche qui, après avoir quitté la robe d’avocat, avait très envie de se construire un véritable parcours politique, ce qui passe forcément par la légitimité des urnes.
Cette candidature arrange bien la macronie qui n’arrive pas à faire émerger Laurent Pietraszewski, le secrétaire d’Etat à la Réforme des retraites, tête de liste jusqu’à aujourd’hui de LREM dans les Hauts-de-France, et qui ne décolle pas dans les sondages. En clair, le chef de l’Etat a bien l’intention de voir le ministre de la Justice mener la campagne à sa place avec un double objectif : combattre de toutes ses forces le Rassemblement national, dont le porte étendard pour les régionales est Sébastien Chenu, et surtout affaiblir la candidature de Xavier Bertrand, qui a fait de cette élection un préalable pour la présidentielle.
Gérald Darmanin, prêt à amadouer la droite macro-compatible
Le garde des Sceaux devrait trouver pendant la campagne un soutien local de poids en la personne de Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur, ancien membre des Républicains, est en effet candidat aux départementales, qui doivent se tenir en même temps que les régionales, dans son canton de Tourcoing. Gérald Darmanin est presque assuré de son élection et devrait intégrer le groupe politique actuellement majoritaire au département, qui rassemble des élus LR, UDI, divers droite. Mais il a déjà prévenu sa famille d’origine qu’il soutiendrait le candidat LREM aux régionales. Un "en même temps" qui fait hurler Sébastien Huyghe le patron de LR dans le Nord. "En marche, c’est la stratégie du coucou, aucune cohérence politique. Ça écœure nos électeurs", fustige-t-il auprès d'Europe 1.
Officiellement, Gérald Darmanin ne vise pas la présidence du département, ce qui fait que Jean-René Lecerf, l’actuel président de droite, lui-même ex-LR, ouvre grand les bras à celui qui a rallié Emmanuel Macron : "Avoir comme conseiller départemental de base le ministre de l’Intérieur, c’est formidable", s'enthousiasme-t-il. "Macron a aussi été élu par des LR et des UDI. Bienvenue Gérald !" Et selon certains élus, en revenant dans le Nord, Gérald Darmanin serait le mieux à même de favoriser un rapprochement entre la majorité présidentielle et Xavier Bertrand, si jamais le RN se fait trop menaçant entre les deux tours des régionales.
Affaiblir Xavier Bertrand et préparer la rhétorique de 2022
Alliés dans la campagne, Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti ne devraient toutefois pas jouer exactement la même partition dans les prochaines semaines. Pour l'ancien avocat, l’enjeu est de trouver une légitimité électorale en se battant à mains nues avec le Rassemblement national, et aller mordre les mollets de Xavier Bertrand avec un objectif politique fixé par Emmanuel Macron : montrer que tout seul, l'actuel président du Conseil régional ne peut pas battre Sébastien Chenu. Cette stratégie prépare en creux la rhétorique de 2022, avec l'idée que sans une union de la République en marche et des Républicains, Marine Le Pen peut gagner.
Pour Gérald Darmanin, il sera très compliqué de dire du mal de Xavier Bertrand – tous les deux sont très proches. Emmanuel Macron veut en fait se servir de son image pour montrer que La République en marche peut remporter des victoires locales. La finalité, dans tous les cas, est d’affaiblir Xavier Bertrand.