La scène est l'une des images marquantes de la campagne présidentielle passée : dans l'après-midi du mercredi 26 avril 2017, trois jours après le premier tour, Emmanuel Macron se rend sur le parking de l'usine Whirlpool d'Amiens, quelques heures après une visite à l'improviste de son adversaire Marine Le Pen. Deux ans et demi plus tard, sa rencontre avec les anciens salariés de Whirlpool sera le temps fort de la visite présidentielle à Amiens.
Car après avoir soutenu en 2018 le projet de reprise de l'industriel picard Nicolas Decayeux qui prévoyait de réembaucher 277 salariés, soit la quasi totalité des effectifs, l'affaire s'est transformée en fiasco : WN, l'entreprise de Decayeux, a été liquidée, ses projets de voitures électriques et de casiers réfrigérés n'ont jamais abouti. Aujourd'hui, seuls 44 salariés ont été repris par un fabricant de mobilier pour entreprises, tandis que les autres ont été licenciés. Les ex-salariés de Whirlpool ont acquis la certitude (document à l'appui) que le projet de Decayeux reposait sur du sable et ils ont bien l'intention de le dire en face à Emmanuel Macron.
"On nous avait fait miroiter certaines choses, on pouvait se dire que ça allait marcher, mais rien, ça ne valait rien.", peste au micro d'Europe 1 Fabrice, un ancien salarié de Whirpool. "On n'a rien vu naître dans cette entreprise, ce n'était qu'une mascarade, et on y a cru." Un échec que l'ancien salarié impute en partie au chef de l'État : "Encore un gouvernement assez naïf pour prêter autant d'argent à cet entrepreneur (4 millions d'euros), je ne comprends pas", lâche-t-il.
"Nicolas Decayeux s'en est mis plein les poches"
"Emmanuel Macron a une grosse responsabilité", renchérit Tonio, ancien délégué CGT qui compte bien demander à Emmanuel Macron pourquoi l'État a permis à Nicolas Decayeux, de s'acquitter pour un euro symbolique des 155.000 m² du site en échange de l'engagement de garder 162 salariés. "Un président ne peut pas cautionner des choses pareilles, aujourd’hui il [Nicolas Decayeux] est terré dans un trou, il ne veut plus parler à personne, mais il s'en est mis plein les poches et s'est barré avec l'argent du contribuable", tonne le syndicaliste.
"Il faut qu'il rende tout cet argent aux ouvriers qui sont aujourd'hui quasiment tous au chômage.", ajoute-t-il. La plupart des ex-Whirlpool sont toujours engagés dans des procédures judiciaires pour dénoncer leurs conditions de licenciements, mais aussi pour dénoncer un projet de reprise qui, selon eux, n'était que factice.
De son côté, le président, a déjà livré la teneur du discours qu'il va tenir aux anciens salariés de Whirlpool dans un entretien mercredi soir au Courrier Picard : "C'est moi qui ai demandé à les voir. Parce que je suis venu en campagne à un moment où ils avaient peur pour leur avenir. Je leur ai tenu un langage de vérité. (...) Et comme eux j'y croyais. Comme eux j'ai été déçu.", avoue le président. "C’est un échec, je dois écouter les salariés et relancer le dossier [...] sur les 280 salariés de Whirlpool, 163 n’ont pas d’emploi aujourd’hui. Cela ne me convient pas, [...] il faut les aider à retrouver un emploi", conclut-il.